VARIATIONS AUTOUR DU RENOUVELLEMENT URBAIN : les 4000 de La Courneuve, Lyon-La Duchère, les Quartiers Nord de Marseille (synthèse)

Etude-témoignage soutenue par l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et L’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence (2014-2016).

Synthèse comparative réalisée par Jean-François Serre avec la collaboration de Bernard Jacquinot, Jacques Jullien et Bernard Pailhès (juillet 2017).

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A la mémoire de Marcel Hénaff, dont l’ouvrage, La ville qui vient (Editions de L’Herne, 2008), petit joyau de la littérature de l’urbanité, source d’inspiration de ce qui fut au coeur de cette enquête, a l’insigne mérite d’avoir, avec sobriété et pénétration, relié l’avenir pressenti des villes à leur fondement anthropologique, indissociable de leur fonction matérielle.

TABLE DES MATIÈRES

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POUR UNE « RÉVOLUTION COPERNICIENNE » DU RENOUVELLEMENT URBAIN : renversement méthodologique

« … être dans une œuvre de l’homme comme poissons dans l’onde, d’en être entièrement baignés, d’y vivre, et de lui appartenir… »
Paul Valéry : Eupalinos ou l’Architecte

La pandémie a fait émergé son lot de scandales, dont beaucoup se révèleront n’être que des pseudo-scandales. S’il est pourtant un vrai scandale, tant par sa violence que par sa durée, c’est bien celui de la situation dans laquelle sont maintenus depuis près d’un demi-siècle les grands ensembles de la périphérie des villes et des métropoles, et ce, malgré les efforts prodigués par une Politique de la Ville depuis plus de trente ans, politique erratique, qui laisse encore planer des doutes sur sa pertinence.

Si nous sommes tous égaux face au Coronavirus le confinement nous aura montré que nous ne le sommes pas quant aux conséquences économiques et sociales de l’épidémie. En témoigne la situation de nombre de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont les habitants subissent de plein fouet l’impact non seulement sur leur santé mais également dans leur vie quotidienne du fait de mesures barrières qui viennent redoublées les contraintes inhérentes à leur situation sociale et condition de logement. Et ce, d’autant plus que lesdits quartiers sont en général sous équipés par rapport à la moyenne nationale (en lits d’hôpitaux entre autres), alors même que leurs habitants vivent dans des conditions qui justifieraient un effort accru en la matière. La Seine-Saint-Denis, département dont la population en QPV est la plus importante d’Ile-de-France, est à cet égard emblématique avec un taux de surmortalité de + 128,9 % (contre + 89,8 % à Paris) entre le 1er mars et le 27 avril. La taille moyenne des logements, très inférieure dans le département à ce qu’elle est à Paris (18 m² par personne contre 25 m²), illustre par ailleurs le surcroît de gêne que le confinement peut occasionner pour les familles.  

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L’AUTRE FACE DES « MISERABLES » (2)

La mutation de l’espace urbain : les quartiers Nord de Marseille

Les quartiers de Marseille

D’une manière générale l’orientation nord n’a jamais suscité de grand enthousiasme ; est-ce la raison pour laquelle les quartiers Nord de Marseille n’ont pas bonne réputation ? Après tout, le centre-ville est à peine mieux coté, la bourgeoisie ayant boudé les investissements des frères Pereire et la percée haussmannienne de la rue de la République (ex-rue Impériale) pour jeter son dévolu sur le sud. Attraction des Calanques ?

Pourtant le nord, territoire de coquettes bastides, ne manquait pas d’atouts, traversé qu’il était par les routes conduisant à l’étang de Berre et à Aix-en-Provence. Sous le second empire, le secteur n’en servit pas moins de déversoir d’une population interlope expulsée du centre-ville en vue de la réalisation de  projets  de rénovation inspirés des grands travaux du baron Haussmann censés le revitaliser, mais avortés, la bourgeoisie ayant choisi d’investir au sud plus plaisant, contribuant à la déqualification du centre de la ville et à l’abandon des quartiers nord.

Dans ces conditions priorité fut donné à la réalisation de pénétrantes, et de voies de contournement destinées à désengorger le centre, au besoin par le truchement d’une procédure de ZUP. La vitesse toujours, l’espace sacrifié au temps.

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L’AUTRE FACE DES « MISERABLES » : SYNTHESE

Pour une « révolution copernicienne » du renouvellement urbain : renversement méthodologique

« … être dans une œuvre de l’homme comme poissons dans l’onde, d’en être entièrement baignés, d’y vivre, et de lui appartenir… » Paul Valéry : Eupalinos ou l’Architecte

La pandémie a fait émergé son lot de scandales, dont beaucoup se révèleront n’être que des pseudo-scandales. S’il est pourtant un vrai scandale, tant par sa violence que par sa durée, c’est bien celui de la situation dans laquelle sont maintenus depuis près d’un demi-siècle les grands ensembles de la périphérie des villes et des métropoles, et ce, malgré les efforts prodigués par une Politique de la Ville depuis plus de trente ans, politique erratique, qui laisse encore planer des doutes sur sa pertinence.

Si nous sommes tous égaux face au Coronavirus le confinement nous aura montré que nous ne le sommes pas quant aux conséquences économiques et sociales de l’épidémie. En témoigne la situation de nombre de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont les habitants subissent de plein fouet l’impact non seulement sur leur santé mais également dans leur vie quotidienne du fait de mesures barrières qui viennent redoublées les contraintes inhérentes à leur situation sociale et condition de logement. Et ce, d’autant plus que lesdits quartiers sont en général sous équipés par rapport à la moyenne nationale (en lits d’hôpitaux entre autres), alors même que leurs habitants vivent dans des conditions qui justifieraient un effort accru en la matière. La Seine-Saint-Denis, département dont la population en QPV est la plus importante d’Ile-de-France, est à cet égard emblématique avec un taux de surmortalité de + 128,9 % (contre + 89,8 % à Paris) entre le 1er mars et le 27 avril. La taille moyenne des logements, très inférieure dans le département à ce qu’elle est à Paris (18 m² par personne contre 25 m²), illustre par ailleurs le surcroît de gêne que le confinement peut occasionner pour les familles.

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II – TROIS SITES EMBLÉMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN: Préambule

Chères lectrices, chers lecteurs

Si, alléchés par le résumé de l’étude-témoignage du renouvellement urbain des 4000 de La Courneuve, de Lyon-La Duchère et des quartiers Nord de Marseille posté le 10 septembre dernier, ou, plus sérieusement, attiré par intérêt intellectuel ou professionnel, vous ne craignez pas de vous lancer dans la lecture de ce feuilleton, nous vous invitons, en préalable, à prendre aujourd’hui connaissance des motivations de ses auteurs (une équipe de cinq retraités prématurément amputée d’un de ses membres pour raison de santé) et de l’esprit – à défaut de méthode rigoureuse – qui ont présidé à la réalisation d’une aventure émaillée d’imprévus et de quelques contrariétés.

Sachant que la semaine prochaine, nous rentrerons de plain-pied dans notre sujet par l’inscription des sites étudiés dans leur contexte géographique et historique.

Bonne lecture

Les 4000 de La Courneuve : quartier de La Tour

 

Marseille : quartiers Nord – Secteur du Merlan
La Duchère : place Abbé Pierre

A la mémoire de Marcel Hénaff, qui a si bien su relier, avec autant de sobriété que de pénétration, dans son ouvrage, La ville qui vient (Editions de L’Herne, 2008), joyau de la littérature de l’urbanité, l’avenir pressenti des villes à leur fondement anthropologique, indissociable de leur fondation matérielle. La ville qui vient, source d’inspiration de ce qui fut au coeur de cette enquête.

Préambule : état des lieux, objectif, démarche

« Il ne s’agit plus seulement de livrer des logements en plus grand nombre possible. Il s’agit de faire naître des quartiers nouveaux composés avec tous les équipements publics et les activités commerciales, artisanales ou industrielles nécessaires pour qu’ils aient eux-mêmes une vie collective propre tout en s’intégrant dans un ensemble urbain ou régional plus vaste.»  

Pierre Sudreau, ministre de la construction de 1958 à 1962

Selon une enquête conduite par Paul Clerc dans 53 grands ensembles d’agglomérations d’au moins 30 000 habitants en 1965, 88% des habitants d’immeubles collectifs se déclaraient satisfaits de leur logement… comparé à celui occupé précédemment.

« En quoi le passé, ses réussites comme ses erreurs, peut aider pour éclairer les actions à venir ? »  

Jacques Jullien, ancien directeur régional de la SCET

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IV – TROIS SITES EMBLÉMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières (2. La Duchère, les quartiers Nord de Marseille)

 Chères lectrices, chers lecteurs

Après avoir exposé l’histoire passionnée, sinon passionnelle, des 4000 de La Courneuve telle que l’ont vécue les acteurs du renouvellement urbain, nous poursuivons notre enquête avec celle de La Duchère à Lyon et celle des quartiers de Saint-Barthélemy et Malpassé à Marseille.

Nous vous précisons que cette enquête s’est déroulée entre 2013 et l’automne 2016. Nous avons consacré le premier trimestre de 2017 pour introduire quelques éléments d’actualisation et tenir compte des observations qui nous ont été faites par les témoins que nous avons interrogés sur un premier projet de rédaction.

C’est avec plaisir que nous accueillerons vos remarques éventuelles, tirées de votre propre  expérience et susceptibles d’enrichir ou réviser nos conclusions.

Bonne lecture.

b)   La Duchère : un site naturel d’exception artificialisé

La Duchère vue du parc du Vallon

L’histoire de La Duchère à Lyon (9e arrondissement) est plus classique : grand ensemble de 20 000 habitants et 5 300 logements, dont 80% de logements sociaux et 20% en copropriété. Le patrimoine  se répartit entre trois principaux organismes : l‘OPAC du Rhône avec 1 015 logements, l’OPAC du Grand Lyon avec 1 347 logements et une SEM, la Société Anonyme de Construction de la Ville de Lyon (SACVL) avec 1 235 logements. Conçu par  François-Régis Cottin, architecte en chef, et réalisé par la Société d’Equipement du Rhône et de Lyon (SERL) entre 1956 et 1963 pour faire face à la crise du logement sous le mandat de Louis Pradel, la Duchère est l’ainé des trois sites retenus puisque lancé avant même l’institution des ZUP en 1956 avec le statut de « zone d’habitat ».

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VII – TROIS SITES EMBLÉMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : des objectifs en partie partagés (3. les quartiers Nord de Marseille)

Chères lectrices, chers lecteurs

Nous poursuivons cette semaine notre compte rendu d’enquête dont nous avons publié un résumé le 10 septembre dernier.

C’est parce que la politique urbaine des années 50-60 n’a pas su prendre en compte dans sa complexité la société urbaine qu’on lui a appliqué l’emplâtre de la politique de la ville à partir des années 80. C’est parce que la politique de la ville a échoué à résorber les écarts de développement, à réduire les inégalités économiques, à promouvoir une culture commune à même de neutraliser les extrémismes religieux qu’on s’est résolu à recourir à une politique de « peuplement » poursuivant un objectif d’équilibre sociodémographique territorial dont l’enjeu est, au minimum, d’éviter que la concentration dans l’espace des handicaps sociaux et situations de précarité ne constitue un facteur aggravant, ne favorise la délinquance ou ne dégénère en manifestations de violence.

A l’heure où la politique de la ville est, sinon remise en question, intégrée dans un nouveau ministère de la cohésion des territoires et par ce fait même menacée de dilution, le moment est venu de se pencher sur son bilan. Ce que nous avons tenté, très concrètement, à travers l’étude de ces trois sites emblématiques en posant comme hypothèse que la fracture urbaine doublée d’une fracture sociale dont souffre les grands ensembles pourrait bien refléter une fracture plus générale de civilisation dont ces grands ensembles ne seraient l’avant-garde. D’où l’urgence de conjurer les risques de propagation des fêlures du corps social qu’ils préfigureraient par la mobilisation des énergies mises en oeuvre dans une rénovation urbaine dont la pertinence est parfois mise en cause, mais non la nécessité. Le grand ensemble comme métaphore d’un entre-deux monde dont la diversité ouvre sur des potentialités ambivalentes qu’il importe de savoir regarder en face lucidement avant tout engagement, aussi gros de risques que d’espoirs !

Après avoir resitué dans leur environnement et l’histoire de leur développement nos trois sites, et exposé les objectifs de la rénovation des Quatre mille et de La Duchère, nous poursuivons en présentant ceux des quartiers Nord de Marseille à travers Saint-Barthélemy et Malpassé.

Bonne lecture.

X
Quartier du Canet (XIVe arrondissement)
Station Alexandre : ancienne gare de triage reconvertie après rénovation en centre d’affaires dans le cadre d’une ZFU

c.  Les quartiers Nord de Marseille : la recomposition urbaine et la paix sociale

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X – TROIS SITES EMBLÉMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : les démarches adoptées (3. les quartiers Nord de Marseille)

Chères lectrices, chers lecteurs

Les grands ensembles, miroirs grossissants de la société globale ou miroirs déformants ?
Dans cette dernière hypothèse les grands ensembles ne seraient que la caricature des travers de la société globale avec ses inégalités, ses discriminations, ses injustices, ses incivilités, sa violence…

Dans la première hypothèse, ils préfigureraient plutôt, avec leurs handicaps et leurs atouts,  la société de demain entre nostalgie et crainte de l’avenir, entre-deux où se jouent le sort des identités, obsession de l’ère numérique, exténuée de réflexes archaïques se nourrissant du désenchantement.

Ce n’est pas en vain que je me suis, la retraite venue, durant trois ans replongé dans la littérature sur la ville qui a accompagné ma vie professionnelle d’aménageur. Pour mieux affronté le défi que constituait, pour un praticien, de chercher, avec trois autres collègues, à tirer le bilan de plus de trente ans de politique de la ville à travers une enquête portant sur la rénovation/renouvellement urbain de « trois sites emblématiques » : les Quatre mille de La Courneuve, Lyon-La Duchère et deux quartiers de Marseille-Nord. Etude-témoignage soutenue par l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence.

Les lectrices et lecteurs intéressés pourront se reporter à mes comptes rendus de lecture, entrée en matière de cette synthèse de trois années d’enquêtes au cours desquelles nous avons interrogé une centaine d’acteurs et habitants – souvent plus acteurs que ceux habituellement désignés comme tels.

Après avoir recueilli et exploité les données se rapportant aux trois sites de l’enquête, après un rapide historique et le rappel des objectifs du renouvellement urbain, nous terminons aujourd’hui, avec les quartiers Nord de Marseille l’analyse des démarches engagées sur chaque site, leurs particularités et leurs points de convergence.

Et ce, avant d’aborder, la semaine prochaine, la question de la scène urbaine et de ses acteurs, où se joue l’avenir de ces sites, qui n’ont de commun que leur désignation de « grand ensemble »; notion galvaudée qui devrait nous interpeller.

Bonne lecture.     

c) Les quartiers Nord de Marseille : le défi de l’enclavement et des infrastructures

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XI – TROIS SITES EMBLÉMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : rénovation urbaine et renouveau social confrontés à la métropolisation

Chères lectrices, chers lecteurs

Après plus de six mois, le président de la République sort de son silence sur ce qu’il est convenu d’appeler « les quartiers » au risque de paraitre, tel Janus, comme ayant alternativement – et non « en même temps » – une double face : celle d’un président des riches et celle d’un président des défavorisés « assignés en résidence » dans ces quartiers relégués à la périphérie des villes, qui, parfois, n’osent même plus dire leur nom.

En appelant à la « mobilisation générale » de « toute la nation » selon un « plan de bataille » engageant « tout le gouvernement » en faveur de « l’émancipation » et du « retour du droit commun » dans lesdits quartiers, l’ambition n’en est pas moins généreuse, mais pose une série d’interrogations :

1) Dans quelle mesure s’inscrit-on toujours dans la loi de Programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 qui avait engagé un rééquilibrage entre rénovation urbaine et action sociale ?

2) Que signifie, dans ce cadre, le retour de l’ex-ministre de la ville J.-L. Borloo, partisan de la thérapie de choc en matière de rénovation ?

3) Que devient dans cette perspective la réorientation de la politique de peuplement engagée par le gouvernement Valls suite aux attentats de 2015 ?

4) Comment mettre les gens en situation de mobilité sans qu’ils perdent pour autant leurs repères, indissociables de la structuration des identités ?

5) Ce que l’on appelle, peut-être improprement, « radicalisation » ne serait-il pas,  plutôt que la conséquence de la « démission de la République », le symptôme de la perte de sens de la vie en société, qui doit amener les institutions à se remettre en cause pour donner du contenu à la laïcité, compatible avec la liberté de conscience inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme ?

6) Au-delà d’une série de mesures concrètes à court terme, bienvenues, qu’en est-il fondamentalement du « changement de méthode » annoncé ?

« Je veux que le visage de nos quartiers aient changé à la fin du quinquennat, a dit le président de la République, non pas parce qu’on aura atteint du chiffre mais parce qu’on aura réussi la rénovation morale. Le défi de civilisation se joue dans les quartiers. Je ne veux pas tant proposer des outils et des mesures que construire ensemble pour donner aux villes des résultats. C’est une fierté. Les habitants de la ville doivent être considérés comme des habitants de la République, des citoyens à part entière. »

On ne peut qu’approuver l’exigence d’une évaluation fondée sur des éléments qualitatifs, affranchie de la dictature des chiffres ; ce qui pose une ultime question : celle de l’ « articulation de l’urbain et du social » dans une politique de rénovation visant délibérément l’intégration dans la ville et la réduction des fractures sociales, sans tabou ; ce qui n’ira pas  sans un infléchissement, voire un renversement, des approches esquissé par le président le 14 novembre dernier à Tourcoing, non plus sans que soit revue la part des dotations affectées au social par rapport à celles qui le sont à l’urbain, sachant que l’accompagnement social de la rénovation urbaine sera d’autant moins requis et plus efficace que celle-ci se sera pliée aux besoins et aspirations de la société locale, émancipée (inversion des priorités : la société urbaine d’abord).

Répondre à cette ultime question, c’est aussi répondre aux préoccupations des acteurs de la politique de la ville des trois sites de rénovation/renouvellement urbain, objet de notre enquête : les 4000 de La Courneuve, Lyon-La Duchère, les quartiers Nord de Marseille, dont nous poursuivons aujourd’hui l’exposé synthétique, avant de se risquer à interpréter – avec une part de subjectivité inévitable – les propos recueillis auprès d’une centaine d’acteurs, habitants compris.

Bonne lecture.

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5.  A la charnière de la rénovation urbaine et du renouveau social

Pour Christian Devillers, l’architecte-urbaniste de Malpassé dans les quartiers nord de Marseille, l’articulation de l’urbain avec le social se joue dans l’accompagnement du relogement qui précède les démolitions. Lesquelles peuvent être motivées par des considérations tenant à l’état des bâtiments et des logements, urbanistiques ou sociales. Selon les situations, mais aussi les idéologies, les positions varient, accordant plus ou moins de poids à l’un ou l’autre de ces motifs.

La Courneuve
Secteur Nord des 4000
A l’arrière fond, la barre Robespierre destinée à la démolition

a)   Le traumatisme des démolitions

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