Sigmund Freud (1921) Photo Max Halberstadt / Wikipedia
Un livre de Louis Sciara, psychanalyste lacanien
La vague des attentats terroristes de 2015 et des années suivantes a fait surgir sur la scène médiatique et dans la presse spécialisée un double questionnement : d’une part, quel rapport dans le passage à l’acte entre le psychisme des individus qui s’y livrent et les idéologies empruntées à d’autres cultures, qui les motivent ? D’autre part, quelle influence peuvent bien avoir le milieu (géographique, culturel) et, d’une manière générale, les conditions économiques et sociales sur le développement de la personnalité, le comportement et, spécifiquement, les conduites déviantes ?
Il court, il court le Coronavirus… Department of Defense Issues Guidelines to personnel on Coronavirus – Photo Courtesy / Rawpixel
Fracture sociale, séparatisme et confinement
L’épidémie de coronavirus met au grand jour un des nombreux aspects du « séparatisme », terminologie adoptée le 18 février dernier par le président de la République lors de son déplacement à Mulhouse pour éviter le terme par trop stigmatisant de « communautarisme » appliqué à l’islam. C’est que le « séparatisme » ne concerne pas que le religieux mais traverse toutes les instances du social depuis l’économique jusqu’à l’idéologique en passant par le territorial. Difficile de prévoir sur le moyen et long terme l’impact de l’épidémie au niveau de chacune de ces instances. Sur l’idéologique notamment, le pire est à redouter, le confinement pouvant être brandi comme mesure générale d’assainissement démontrant par l’absurde la légitimité du repli sur soi, sur le groupe social, la classe, l’ethnie, la nation.
Montfermeil, quartier des Bosquets (2007) Photo Marianna / Wikipedia
Incroyable ! D’après le Journal du Dimanche du 19 novembre dernier, le président Macron aurait déclaré, après avoir vu le film de Ladj Ly, avoir été « bouleversé par sa justesse » au point de demander au gouvernement de « se dépêcher de trouver des idées et d’agir pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers ». Ce qui lui a valu une réplique cinglante de Jeanne Balibar, qui incarne la commissaire du film et n’en est pas à sa première charge contre « le président des riches ».
La laïcité dans l’espace public et le dialogue interreligieux à La Duchère
Si l’architecture est une expression de la culture, l’architecture religieuse étant celle de la foi pose la question de la place du religieux dans l’espace public, défi à la laïcité. Les cultes ne sont pas, à cet égard, tous logés à la même enseigne. Si les cathédrales, les églises, propriété de l’Etat ou des communes, ne sont pas seulement ouvertes aux fidèles mais à tout public, touristes notamment qui peuvent admirer les plus belles d’entre elles pour leur architecture, on ne peut en dire autant d’autres lieux de culte réservés à leurs adeptes.
Les grands ensembles, enclaves de la banlieue ? La banlieue comme entre-deux, interstice entre centre-ville et périphérie, miroir d’une société urbaine en devenir, préfiguration de la société de demain par-delà l’opposition de la ville et de la campagne ? L’architecture et l’urbanisme à l’image de la société urbaine ? Les populations locales en symbiose avec leurs quartiers ?
En quoi le nouveau ministère de la cohésion des territoires qui succède au ministère de la ville, de la jeunesse et des sports avec un secrétaire d’Etat sans affectation anticipe-t-il une « normalisation » des quartiers prioritaires de la politique de la ville ? S’en donne-t-il les moyens ?
Autant de questions qui se posent alors même que la politique de la ville doit faire face à des coupes dans son budget. Autant de questions qui appellent à un retour sur expériences avec pour but de clarifier les enjeux de la stratégie d’équilibration des territoires qui se dessine pour l’avenir, et ce, non sans poser la place des quartiers défavorisés dans cette stratégie et celle de la politique de la ville, politique d’exception, qui leur est dévolue.
Nous n’avons pas d’autres objectifs en publiant la synthèse de cette enquête portant sur le renouvellement urbain des Quatre mille de La Courneuve, de La Duchère à Lyon et des quartiers de Saint-Barthélemy et Malpassé à Marseille.
Notre rapport comprend trois parties, outre un préambule (déjà publié le 10 septembre) et la conclusion :
A – Trois histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières (objet des publications des 17 et 24 septembre et de celle du 1er octobre)
B – La scène urbaine et ses acteurs : de la conception à la réalisation
C – La synthèse urbaine : de l’impensé de la société urbaine à l’énigme de son articulation
Conclusion et ouverture « sous le signe du lien »
Après avoir dans un premier temps rappelé la formation de ces grands ensembles, l’origine et les développements de leur rénovation, nous poursuivons aujourd’hui par l’exposé de leurs objectifs respectifs.
Notre enquête, fruit du travail de quatre collaborateurs accompagnés par L’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement d’Aix-en-Provence, s’est déroulée, non sans moult péripéties, entre 2013 et 2016, sa relation se poursuivra jusqu’à la fin de l’année à un rythme hebdomadaire. Le rapport d’étude a fait l’objet d’une actualisation, dans la limite des données disponibles, sa rédaction a été revue au cours du premier semestre 2017.
Toutes observations, même et surtout critiques, seront les bienvenues. Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : serre-jean-francois@orange.fr.
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3. Des objectifs dictés par la géographie et l’histoire
Rien de surprenant à retrouver les mêmes problématiques sur les trois sites : désenclavement, mixité activité/habitat, diversité sociale. Encore faut-il être en mesure d’apporter les solutions adaptées au contexte urbain, économique, social, à chaque fois différent, pour que les problématiques une fois posées ne se referment pas sur elles-mêmes et qu’elles puissent être appréhendées comme des thématiques à part entière susceptibles de faire l’objet de traitements appropriés.
a) Les Quatre-mille de La Courneuve : le retournement du grand ensemble sur la ville et la promotion de sa population
Nous avions consacré notre article du 12 février dernier à la figure de l’étranger à travers la parabole évangélique du bon Samaritain et Georg Simmel. Alors qu’il ne s’écoule plus guère de jours sans qu’on nous annonce la fin tragique de migrants cherchant à fuir la misère, les catastrophes d’origine climatique ou le terrorisme d’Etat, les quelques réflexions que nous avions alors esquissées sont plus que jamais à l’ordre du jour. Nous étions toutefois passé à côté d’une autre parabole évangélique, pas moins édifiante que celle de Luc, celle de Jean relatant la rencontre du Christ avec la Samaritaine, combien plus scandaleuse. Son importance nous a été révélée par un penseur aujourd’hui disparu qu’on ne saurait ignorer tant il bouscule nos préjugés : Michel de Certeau, auteur de L’étranger ou l’union dans la différence.
Ce fut pour nous l’occasion d’apporter un complément à notre article faisant ressortir ce qui peut relier, par delà leurs différences, des auteurs comme Simmel, Illich et Certeau.