COMPLEXE DE CAÏN versus COMPLEXE D’ŒDIPE

Meurtre d’Abel par Caïn
gravure flamande de Johann Sadeler (1576)
Metropolitan Museum of Art (Photo Wikimedia Commons)

« Il faut ressortir le Kärcher car il a été remis à la cave par François Hollande et Emmanuel Macron depuis dix ans » a lancé Valéry Pécresse lors d’un déplacement à Salon-de-Provence le 6 janvier, reprenant les propos de Sarkosy en 2005 à La Courneuve. Déplorable ignorance de la candidate à l’élection présidentielle concernant la mobilisation des habitants, acteurs sociaux, maîtres d’œuvre, administratifs et politiques pour améliorer le cadre et la vie des « quartiers », notamment depuis la mise en œuvre de la loi de Programmation pour la Ville et la Cohésion urbaine du 21 février 2014. Le 10 janvier à Argenteuil, en présence du maire LR, Georges Mothron, qui lui faisait valoir ce qui avait été fait au Val d’Argent en matière de renouvellement urbain : « Des racailles, il y en a toujours mais moins et pas spécifiquement à Argenteuil. Ici, nous avons dépensé 300 millions d’euros depuis, reconstruit des lycées, des collèges, la poste, des logements sociaux, développé la copropriété, augmenté la fréquence des trains… Ces quartiers ne sont plus les mêmes », face, donc, à ce maire affilié à son propre parti, elle était bien obligée de nuancer son propos : « Comment faire pour que dans chaque quartier populaire, on sente que quelqu’un vous fait confiance ? Moi, ce que je veux, c’est être dure avec les caïds, les voyous, les dealers, les trafiquants mais je veux aussi être très forte avec tous ceux qui veulent s’en sortir. Je veux que la République leur tende une main vraiment fraternelle et qu’on les aide. C’est cela l’ascenseur social ». Et dans le même temps, elle indiquait pouvoir régler en 10 ans le problème des ghettos. Comment ? en plafonnant, entre autres mesures, les logements sociaux dans la limite de 30 % ! On aimerait la croire alors même que plus de 40 ans de Politique de la Ville n’est pas venu à bout du problème, tellement la mixité sociale par l’habitat exigerait d’investissements pour construire des logements de standing attractifs dans lesdits « quartiers » et de renoncements des habitants pour accueillir des HLM dans les « beaux quartiers ». Aussi, dans une adresse du 27 janvier dernier aux candidates et candidats à l’élection présidentielle, l’Association des Maires d’Ile-de-France et Ville et Banlieue ont-ils tenu à exprimer leur impatience : « Ces discours ignorent où passent sous silence les réalités des quartiers qui sont, comme toute chose, contrastées. Chaque quartier populaire a sa singularité. Et surtout, les problèmes relevés ne sont que la mise en visibilité des problèmes de la France. Elues et élus locaux, nous pensons qu’agir avec les banlieues populaires, c’est agir pour les habitantes et habitants de tout le pays. » Le congrès de l’Association des Maires de France (AMF) du 18 novembre avait pourtant déjà tiré le signal d’alarme par la voix de son vice-président, le maire socialiste d’Issoudun (Indre), André Laignel : « Ce ne sont certainement pas de grands discours, parfois caricaturaux, qui feront sortir nos banlieues de l’état de relégation dans lequel elles sont plongées. Là encore, les espoirs qui avaient été suscités ont été déçus et le sabordage du rapport Borloo justifie la mobilisation de nos collègues maires de quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous faisons, à cet égard, nôtre l’appel de Grigny et son conseil national des solutions ».

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LA DIALECTIQUE DU LOGEMENT ET DE SON ENVIRONNEMENT

Lotissement de la Tourelle à la Maule (Yvelines) Photo JH Mora / Wikimedia Commons
Lotissement de la Tourelle à la Maule (Yvelines)
Photo JH Mora / Wikimedia Commons

Romilly-sur-Seine (Aube) Photo Benjisme / Wikimedia Commons
Romilly-sur-Seine (Aube)
Photo Benjisme / Wikimedia Commons

Valparaiso Photo Pixabay
Valparaiso
Photo Pixabay

Trois configurations urbaines : quels types de rapport le logement entretient-il avec son environnement et la psychologie des habitants ?

                                                                                                                                                                  QUAND LA PSYCHOLOGIE SE RISQUE A ELUCIDER LES RAPPORTS DE L’HOMME A SON LOGEMENT ET A L’ENVIRONNEMENT Lire la suite « LA DIALECTIQUE DU LOGEMENT ET DE SON ENVIRONNEMENT »

INTERMEDE PASCAL : Formes de la vie, formes de la ville

Chères lectrices, chers lecteurs

Les sciences humaines ne sont peut-être pas d’un grand secours pour améliorer la vie du citadin, mais, s’il n’y a de réalité que construite par l’esprit humain, alors la littérature peut tout ou presque. Pourtant, de même que, selon Proust, préfacier de  Sésame et les lys de John Ruskin, « la lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas », la littérature de l’urbanité reste sur le seuil de la vie urbaine. 

Plan retravaillé du village bororo de Kejara établi par Lévi-Strauss / Image Adrien Brugerolle / Wikimedia Commons
Plan retravaillé du village bororo de Kejara établi par Lévi-Strauss / Image Adrien Brugerolle / Wikimedia Commons

Projet pour la ville nouvelle de Chaux autour de la saline d'Arc-et-Senans / Photo Justelipse / Wikipédia
Projet pour la ville nouvelle de Chaux autour de la saline d’Arc-et-Senans / Photo Justelipse / Wikipédia

 

Notre calendrier républicain ayant composé avec la tradition chrétienne, que vous soyez croyants ou agnostiques, il ne vous échappera pas que la publication de cet article, qui vient cavalièrement s’insérer dans la série consacrée à l’écologie et au développement durable, ait à voir avec Pâques, fête de la résurrection. Car c’est bien ce thème qui est développé en filigrane dans le texte ci-dessous : résurrection de la chair dans ces marges de la Cité dont les pierres ont été abandonnées par la vie.


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INTERMEDE ESTIVAL : « Des causes de la grandeur des villes » de Giovanni Botero à la « Condition de l’homme moderne » de Hannah Arendt, et retour par la Cité grecque

Chères lectrices, chers lecteurs

L’actualité nous rattrapant, je reprends la publication de ce blog plus tôt que prévu. Comment rester sans réagir face à des événements qui, recoupés avec nos lectures nous interpellent d’autant plus qu’en l’occurrence le tragique rivalise avec l’absurde. Comme jamais, les enjeux sont politiques et face à leur ampleur nous mesurons toujours plus les dégâts de la dépolitisation dont nous sommes les témoins passifs. Non que tout soit politique comme voudrait nous le faire croire une certaine gauche radicale, contribuant ainsi à la banalisation du politique. Mais, l’épidémie d’Ebola qui se propage en Afrique de l’Ouest, faisant toujours plus de victimes, nous rappelle aussi que lorsque c’est la vie qui est en cause, il n’est pas d’autres valeurs qui puissent entrer en concurrence avec elle pour faire obstacle à la plus énergique action politique – qui plus est internationale – en vue de lutter non contre un mal – stigmatisant − mais contre la maladie. Le message de Hannah Arendt est, à cet égard, sans restriction : « La tâche et la fin de la politique consistent à garantir la vie au sens le plus large. »[1]

C’est pourtant aussi la vie, qui est en cause dans les conflits qui perdurent ou ont surgi ici et là dans le monde depuis plusieurs mois et notamment depuis le début de l’été. Mais la vie y est prise en otage par des valeurs qui s’affrontent sur un terrain dont les enjeux politiques s’en trouvent démultipliés au point d’avoir des répercussions au-delà des frontières des Etats directement concernés. C’est ainsi que, pour paraphraser Malraux, en politique rien sans doute ne vaut la vie, mais les vies ne valent décidément rien.[2]

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 [1]  In Qu’est-ce que la politique ? Sans restriction mais à condition de comprendre « la vie au sens le plus large », autrement dit de ne pas la réduire à la nécessité vitale, car « s’il est vrai que la politique n’est hélas rien d’autre qu’un mal nécessaire à la conservation de l’humanité, celle-ci a alors effectivement commencé à disparaître du monde, c’est-à-dire que son sens a viré en absence de sens ».

[2] La citation exacte de Malraux est la suivante, dans Les Conquérants (1928) : « J’ai appris aussi qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie » (Garine de l’Internationale communiste, le Conquérant). L’auteur avait trouvé la formule si heureuse qu’il la répéta 5 ans plus tard dans La condition humaine.

Manifestation des Indignés pour une « réelle démocratie » en mai 2011 place de la Bastille
Photo Slastic / Wikimedia Commons

La puissance par le nombre, la démocratie comme pluralité

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RETRO (2) : Variations sur le thème de l’espace commun à partir de trois textes de Claude Lévi-Strauss

AVERTISSEMENT

Ce texte ayant été écrit par à-coups au fil de lectures diverses venues le nourrir, objet de notes de bas de page, le lecteur voudra bien m’excuser, en cette veille de vacances de n’avoir pas eu le courage de le refondre. D’autant moins que je ne m’interdis pas, comme pour l’ensemble des articles de ce blog, de revenir à l’occasion dessus au gré de mes pérégrinations livresques.

 
320px-A_Last_day_of_Hajj_-_all_pilgrims_leaving_Mina,_many_already_in_Mecca_for_farewell_circumambulation_of_Kaaba_-_Flickr_-_Al_Jazeera_EnglishDernier jour du Hajj autour de la Kaaba à La Mecque / Photo Omar Chatriwala of Al  Jazeera English / Wikimedia Commons
 
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VII – L’ANTHROPOLOGIE URBAINE – 1) Colette Pétonnet, une ethnologue des espaces habités des banlieues (1982)

Une question préalable se pose : pourquoi après avoir quitté le continent de la sociologie et avoir tenté d’aborder celui de l’analyse systémique à partir de fondations biologiques, laquelle soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout, se placer sous l’empire de l’ethnologie ou anthropologie urbaine ? Sinon pour accuser une coupure épistémologique et instaurer une distance par rapport à l’objet d’étude, la ville, dont la familiarité, malgré le structuralisme et les analyses en termes de système, risque d’induire un biais nuisible à l’objectivité. On doit à Georg Simmel d’avoir introduit dans la ville la figure de l’étranger pour illustrer l’ambivalence du citadin, libre et aliéné à la fois. Le sociologue, quant à lui, en revêtant l’habit de l’ethnologue, en se muant en étranger à sa propre culture, espère-t-il mieux saisir l’étrangeté de la ville dont il est trop coutumier ? Ou bien, en adoptant une perspective plus ample, celle de l’anthropologue, aurait-il l’ambition, en remontant au plus près des sources de notre humanité, de renouer avec les racines de notre urbanité ?

                                          ZUP de Pissevin – Nîmes ; Photo : Wikimedia Commons – Vpe

Colette Pétonnet : une ethnologie des espaces habités des banlieues

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