Lorsque la situation paraît bloquée, que la politique suivie patine, bégaye – comme la politique de la ville depuis quelques dizaines d’années – il peut être tentant de prendre des chemins de traverse dans l’espoir, qu’à un tournant, l’horizon se dégage suffisamment pour permettre de se poser et que, le scrutant, l’on finisse par discerner quelques voies déjà tracées par d’autres, mais non encore explorées. C’est à quoi, modestement tant le sujet recèle d’embuches, s’essaye le texte qui suit, inspiré de lectures plurielles à la croisée de la philosophie et des sciences humaines : rendre compte, d’une part, des impasses où nous conduisent nos tendances les plus spontanées, parce que conformes à nos intérêts immédiats, et des blocages auxquels les plus fécondes – qui sont aussi le plus souvent à contre-courant – au contraire se heurtent ; chercher, d’autre part, derrière les mots – « rénovation urbaine », « renouvellement urbain » par exemple − à les anticiper pour mieux les départager.
Dans un temps où, comme le relève dans Le Monde daté des 14 et 15 septembre Sylvia Zappi[1], la banlieue, après avoir espéré en un changement de cap se sent abandonnée, mettant ses derniers espoirs dans la création d’une coordination citoyenne dénommée « Pas sans nous », il est urgent de rechercher des pistes sur la base desquelles renouer le dialogue et redonner confiance. A trop désespérer du politique, la tentation du terrorisme gagne du terrain. C’est en misant sur les capacités d’adaptation de l’homme et en prenant en compte ses aspirations, et non en manipulant, que l’on pourra espérer refonder la société en ses territoires sur un principe de solidarité, incontournable si on veut réintégrer les périphéries ou, selon le beau titre du blog de Sylvia Zappi, remettre « la banlieue au centre » : moins la recentrer géographiquement que politiquement pour combler le vide politique propice au développement des phantasmes extrêmes. Mais il serait encore nécessaire de créer les conditions favorables à l’émergence de collectifs comme « Pas sans nous » à même de « repolitiser » les problèmes, les situer au bon niveau : celui où ils sont susceptibles de trouver des solutions ; de consentir les moyens financiers et organisationnels à la hauteur des besoins ; de se donner, enfin, plus de souplesse en s’efforçant d’alléger la réglementation et simplifier les procédures (le social est d’autant plus verrouillé par les règlements que l’économie est plus dérégulée). Ce sont les cadres trop rigides de l’action qu’il faut desserrer pour libérer les initiatives à même de surmonter les clivages idéologiques, sociaux et politiques.
Puisse cela ne pas être en vain, être suivi d’effets, tant les fractures territoriales menacent la cohésion sociale.
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[1] Article titré : En Banlieue, la colère contre la « trahison » de Hollande.
Architecture oblique de Claude Parent : projet présenté à la biennale de Venise de 1970 / Google Image / Naturallyjo Exactitude
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