Chères lectrices, chers lecteurs
BE CAREFUL ! Cet article sur « La politique de la ville en question » a été rédigé à l’automne 2016 alors que notre enquête de terrain, émaillée de moult incidents, touchait à sa fin. Il ne vous aura pas échappé qu’une élection présidentielle s’est depuis déroulée, après une campagne prodigue en rebondissements et entachée de quelques scandales, dans un tumulte bien politicien reléguant quelque peu aux oubliettes, non la politique de la ville, qui n’a depuis longtemps plus rien à gagner à être mise sur le devant de la scène, mais la politique urbaine, laquelle aurait mérité mieux. Or, la question du devenir de la première n’en est pas moins inscrite en filigrane de la problématique de la seconde. D’autant que certains indices avaient à l’époque déjà attiré l’attention des observateurs avertis sur une évolution, discrète mais néanmoins sensible, relativement au rapport de la politique de la ville avec les politiques urbaines et des territoires en général. Prudents nous nous sommes refusé à jouer les Pythies, non sans subodorer une tendance que les élections ont précipitée, sachant que l’incertitude provenait moins d’une évolution interne au domaine en cause que du résultat des élections dont son sort était tributaire. C’est par conséquent en le resituant dans cette actualité que cet article doit aujourd’hui être lu pour juger du bienfondé de la création d’un ministère de la cohésion des territoires, flanqué d’un secrétariat d’Etat sans portefeuille, en lieu et place d’un ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, doté d’un secrétariat d’Etat chargé spécifiquement de la ville.
Rappelons qu’au terme du décret du 24 mai 2017, le nouveau ministère de la cohésion des territoires « élabore et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de développement et d’aménagement équilibrés de l’ensemble du territoire national et de solidarité entre les territoires ». C’est à ce titre qu’il a compétence en matière d’urbanisme et de logement. Outre ses attributions dans le domaine du « développement et de la mise en valeur des territoires et espaces ruraux, de montagne et littoraux », il « élabore et met en œuvre la politique du Gouvernement relative à la ville, notamment aux quartiers défavorisés, à l’intégration et à la lutte contre les discriminations ». En conséquence de quoi, « il exerce la tutelle de l’agence nationale pour la rénovation urbaine » et « définit et met en œuvre le programme national de renouvellement urbain ».
La politique de la ville, sur laquelle la campagne électorale avait tiré un voile pudique, n’est pas oubliée mais intégrée dans un vaste ministère chargé, selon les propres termes du décret d’attribution, de veiller « à l’accompagnement des territoires dans leur développement et à la réduction des inégalités territoriales ; il est à ce titre responsable de la politique de lutte contre les inégalités en faveur des quartiers défavorisés des zones urbaines et des territoires ruraux ».
Rééquilibrage opportun alors même que la mondialisation et les excès du libéralisme économique remettent en cause l’égalité des chances promue par l’Etat-providence des Trente Glorieuses. A condition de s’en donner les moyens à la mesure des enjeux, différenciés selon que l’on a affaire à des métropoles, villes moyennes, périphéries urbaines ou au monde rural avec ses bourgs.
Quoi qu’il advienne, on ne pourra plus faire grief aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), territoires défavorisés parmi d’autres, d’être plus particulièrement stigmatisés. En outre, les attributions du ministère gagnent en cohérence par rapport au précédent qui mettait dans un même panier la ville, la jeunesse et les sports comme si la jeunesse était un privilège de la ville et que la culture y était bannie. La « politique de la ville » n’a pas été détrônée par la « politique urbaine », qui n’est pas nommément citée alors que l’urbanisme l’est aux côtés de la planification urbaine, de l’aménagement foncier et de l’habitat. D’autre part, le développement de la « région capitale » ainsi que celui des métropoles sont explicitement mentionnés.
D’où l’intérêt présenté par la « grande mobilisation nationale pour les habitants des quartiers » lancée, entre autres initiatives touchant les villes et les territoires, par le président de la République les 13 et 14 novembre derniers lors de ses déplacements à Clichy-sous-Bois, Tourcoing et Roubaix.
A suivre, donc. Et en attendant nous soumettons à la sagacité de nos lectrices et lecteurs les interrogations, resituées dans leur contexte, que notre enquête sur la rénovation/renouvellement urbain des 4000 de La Courneuve, de Lyon-La Duchère et des quartiers Nord de Marseille a soulevées. Et ce, avant de conclure, à partir de la semaine prochaine, sur les enseignements que nos interlocuteurs, acteurs et habitants des quartiers (une centaine d’entretiens), ont tiré de leurs expériences et de leur vécu.
Bonne lecture.
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Siège du ministère de la cohésion des territoires
72 rue de Varennes
Paris VIIe