SEMINAIRE ANALYSE ET POLITIQUE DE LA VILLE : Investissements privés et services publics

L’actualité nous rattrape a l’habitude de dire Guy Burgel. Elle a, en contrepartie, le mérite de nourrir la réflexion, à charge pour nous de décrypter les ressorts qui engagent notre devenir, de déchiffrer les signes avant-coureurs de ce que l’avenir nous réserve : promesses et menaces mêlées.

Nous poursuivons, dans le cadre du partenariat entre l’IGU, la FMSH, l’EHESS et le Comité d’Histoire, la rédaction des comptes rendus du cycle du séminaire 2018-2019 portant sur « Financiarisation de la ville et liberté du politique ». Après celui de la session du 20 décembre 2018 consacrée à « Promotion immobilière et forme urbaine« , nous abordons, aujourd’hui, les problématiques liées des « Investissements privés et services publics », objet de la session du 22 mars dernier.

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LYON-LA DUCHERE : Au coeur du renouvellement urbain, la culture conjuguée à l’action sociale (2)

Chères lectrices, chers lecteurs

A l’heure où les « gilets jaunes », après les « bonnets rouges », contribuent à accentuer, non sans dramatisation, l’opposition entre le « peuple » des campagnes et le « gratin » des métropoles, on en oublierait presque une autre opposition qui  perdure malgré tout, celle entre centres-villes et banlieues, dont les grands ensembles, enclaves  aujourd’hui rattrapées par l’extension urbaine. Pour être de nature différente les deux oppositions n’en relèvent pas moins d’un antagonisme plus général entre tendances centrifuges et tendances centripètes prises dans un chassé-croisé toujours recommencé.

Pour le Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles (Cerfi),  fondé en 1967 par Félix Guattari, la ville était « métaphore » de la répression du désir à travers les équipements collectifs du pouvoir. Dans son sillage, Alain Médam pouvait en 1971 parler de « ville-censure » et  Jacques Dreyfus en 1976 de  « ville disciplinaire ». Mais, par un de ces renversements  dont l’histoire a le secret, aujourd’hui c’est le monde rural et périurbain qui serait  victime du refoulement du désir, dont l’expression serait étouffée par la « souffrance » et la « colère », alors qu’en ville l’individu, fondu dans la foule anonyme, trouverait les conditions de sa libération.

C’est méconnaitre que, de nos jours, l’avenir se joue peut-être moins dans la ville ou la campagne que dans l’« entre-deux » qui les oppose au lieu de les réunir, faute d’une politique de territoires équilibrée. Aussi, après Guattari et ses émules, on peut bien poser la question : de quoi la banlieue et les grands ensembles en rénovation sont-ils la métaphore ? D’une fracture sociale, économique, culturelle… redoublée d’une fracture territoriale qu’on retrouve à tous les niveaux de l’espace national, entre nomades périurbains et sédentaires des villes et des campagnes ; plus largement d’une fracture entre « riches » et « pauvres », entre le peuple et les élites, le peuple et la représentation nationale, celle-ci et les gouvernants. Fracture qui se reflète jusqu’en notre for intérieur clivé en une mentalité urbaine et une mentalité rurale irréconciliables – vestiges d’une histoire sociale marquée par les migrations. Fracture sur laquelle un ancien président de la République avait fondé sa campagne électorale, bien en vain : diagnostic laissé en jachère, dont les gouvernements successifs ont hérité, tentant de colmater des brèches dans le cadre d’une politique de la ville erratique, impuissante à prendre le problème à bras le corps pour s’attaquer aux causes d’un mal qui la dépasse. Illustration aujourd’hui à travers l’expérience de la rénovation de La Duchère dont nous poursuivons l’exposé. Le centre social de La Sauvegarde implanté en limite nord-ouest du site – à la différence de celui du Plateau, coeur rénové du quartier – s’est retrouvé confronté à une situation physique et sociale d’autant plus dégradée que le renouvellement urbain du secteur se faisait attendre. Situation que la directrice du centre social qualifiait à juste titre d’ « entre-deux », dans tous les sens du terme : spatial mais aussi générationnel. « Entre-deux » ambivalent, symbole d’un profond malaise, mais creuset de dynamiques et d’initiatives qui peinent à être reconnues.

 Ne pas opposer le centre à la périphérie, donc, mais repenser en de nouveaux termes les problèmes que posent les inégalités de développement et déséquilibres territoriaux qui sont à la source de cette polarisation, laquelle ne cesse de se déplacer pour épouser les contours d’une société fragilisée par les conséquences de la libéralisation à outrance de l’économie (dérèglementation), du progrès technologique destructeur d’emplois, de l’urbanisation généralisée et de la mondialisation (ouverture à la concurrence). On ne sortira de cette opposition, perçue par l’opinion à travers des verres déformants, qu’avec une  politique qui sache prendre en compte la spécificité des territoires, leur vocation et leur complémentarité telles que l’histoire et la géographie les ont façonnés, mais en se projetant vers l’avenir. Si les récentes annonces du gouvernement relatives à la « réindustrialisation » de 124 « territoires périphériques » vont dans ce sens, il y a encore beaucoup à faire pour compenser la suppression, justifiée par la baisse de la démographie, des services publics en milieu rural, rééquilibrer la répartition des logements sociaux, réglementer les loyers en fonction d’un objectif de réduction de la dépendance à la voiture et, parallèlement, pallier l’éloignement des emplois en développant transports en commun et économie numérique, etc.

Le « En même temps » du Président est sans doute entaché de trop d’ambiguïtés.  L’expression serait juste si, mettant l’accent sur la nécessaire coordination synchrone du traitement des problèmes, elle n’avait pas conduit à une sous-estimation des contraintes de temps. Le mouvement des « gilets jaunes » – chez lesquels des relents de poujadisme viennent se plaquer sur un populisme de droite et de gauche mêlées – aura au moins eu un mérite, celui de mettre au jour les incohérences d’une politique qui a trop tardé à assumer les conséquences sociales d’une transition énergétique incontournable.

C’est pourtant la même méthode qui avait été prise en défaut dans la programmation de la politique de la ville, corrigée in extremis en septembre dernier, même si on peut estimer que c’est encore insuffisant. En bon cartésien (*) le gouvernement  a réaffirmé sa volonté de garder le cap ; encore faut-il qu’il prenne la mesure des réactions que ne manque pas de provoquer son volontarisme qui, si justifié soit-il, néglige par trop l’impact qu’il peut avoir sur l’opinion.

C’est aussi la leçon que nous ont délivrée les politiques de la ville qui se sont succédé depuis 40 ans : faute d’avoir su prendre en compte les interactions entre opérations de rénovation, accompagnement social, soutien à l’activité économique et à l’emploi, développement durable et promotion culturelle, ces politiques se sont, dans le passé, enlisées. Il reste à concevoir et mettre en œuvre, sous l’égide du nouveau ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, une politique digne de ce nom, c’est-à-dire intégrée, de nature à combler le fossé qui oppose les conditions plus que les mentalités, à réconcilier urbains et ruraux afin qu’ils retrouvent la positivité du désir – sur laquelle misaient en leur temps Guattari et son complice Deleuze, aujourd’hui sacrifiée à la civilisation du numérique – dans le choix d’un type d’habitat et d’un emploi qui ne soient plus discriminants.

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(*) « Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. » (Maximes touchant à la « morale par provision » de Descartes : Discours de la méthode, III)

  

                                                                                      Duchère : Tour panoramique en arrière plan

 

b) Le centre social de La Sauvegarde en périphérie nord-ouest de La Duchère

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SEMINAIRE ANALYSE ET POLITIQUE DE LA VILLE : La ville dans l’action publique – Un demi-siècle d’expériences

Chères lectrices, chers lecteurs

C’est, l’heure de la retraite  venue, pour ne pas entrer en errance oisive que j’avais, voici cinq ans déjà, entrepris cette pérégrination dans la littérature de la ville. Pérégrination au gré de retrouvailles au fond de ma bibliothèque ou de nouvelles rencontres, parfois inopinées. L’itinéraire ainsi reconstruit depuis les célèbres enquêtes de Villermé en France et Engels en Angleterre m’ont permis de vous faire partager ma passion pour ces « urbanités » qui, traversant toutes les disciplines, les transcendent pour rejoindre les « humanités ». Convergence qui ne tient nullement au hasard mais bien plutôt d’un destin qui nous a progressivement fait passer de la vie campagnarde à la vie urbaine, laquelle n’a pas fini de se renouveler pour tantôt nous rebuter tantôt nous attirer, nous séduire ; bref, toujours nous surprendre.

Puis, délaissant quelque peu nos livres,  nous avons renoué avec le terrain pour vous livrer le témoignage d’une enquête portant sur trois sites en rénovation : Les Quatre mille de La Courneuve, La Duchère à Lyon et les Quartiers nord de Marseille. Enquête au cours de laquelle nous avons cherché à comprendre les errements d’une reconquête urbaine doublée d’une thérapie sociale à travers une centaine d’entretiens auprès de professionnels et d’acteurs associatifs ainsi que d’habitants, non moins acteurs de la transformation de leurs lieux de vie.

De notre parcours livresque à l’enquête de terrain, aucune rupture, tant l’un de l’autre se sont réciproquement nourris. Et il n’y a pas moins continuité avec ces séminaires d’«analyse et politique de la ville» que nous publions à partir d’aujourd’hui. Riches d’interventions pluridisciplinaires et de débats, ils sont animés par Guy Burgel depuis plusieurs années en partenariat avec le LGU de l’université Paris Nanterre, la FMSH, l’EHESS et le Comité d’Histoire des ministères de l’Ecologie et de l’Habitat. Pour l’année 2017-2018, consacrée à « La ville dans le débat public », le premier de ces séminaires, dont la session s’est tenue le 15 décembre dernier portait sur « La ville dans l’action publique : un demi-siècle d’expériences », dont vous pouvez lire le compte rendu ci-dessous. 

Photo Marcus (Flickr)

Ville nouvelle de Marne-la-Vallée : Les Espaces d’Abraxas (vue de l’Arche) de Ricardo Bofill ; lequel, dans une interview au Journal Le Monde du 8 février 2014, avouait « Je n’ai pas réussi à changer la ville » (Photo Marcus/ Flickr) :

« Le projet est né d’une utopie théorique, en Espagne, dans les années 60. “Ville dans l’espace” consistait à considérer la ville comme un processus et non comme un objet fini. L’objectif était de mélanger les catégories sociales et de créer des modules qui peuvent être investis de différentes manières. […] Ma démarche est opposée à celle de Le Corbusier. »

« Mon modèle n’a pas été pris en exemple pour construire d’autres villes. Je me suis trompé dans la temporalité. La période, la fin des années 60, n’était pas propice au changement car après moi, on a continué à faire des barres. Le malheur qui règne dans les banlieues françaises n’a pas été aboli. »

« Il s’agit d’un espace unique qui a pâti du manque d’esprit communautaire propre à la France : les populations ne se sont pas mélangées. Mais les Espaces d’Abraxas ont été abandonnés : à l’époque, on disait que pour que ça marche il fallait y faire vivre au maximum 20 % d’immigrés, afin de réussir à réellement mélanger les populations. Ça n’a pas été appliqué. Le manque également d’équipements et de commerces et le fait que l’espace soit fermé sur lui-même pose des problèmes à certains. Pour moi, c’est une expérience unique et finie et je ne la répéterai jamais car j’ai vu les difficultés que ça entraîne. »

Ricardo Bofill

Compte rendu du séminaire

Sommaire des exposés et intervenants

 Retour sur une action : la politique des villes nouvelles

  • Sabine Effosse (historienne, Université Paris Nanterre)
  • Bertrand Warnier (urbaniste, Établissement public d’aménagement de Cergy-Pontoise)

De la loi d’Orientation foncière (LOF) à la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU) : la loi sur la longue durée

  • Laurent Coudroy de Lille (géographe, Université Paris Est Créteil, Institut d’urbanisme de Paris)

Une innovation : le ministère de la politique de la ville

  • Renaud Epstein (sociologue-politologue, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye)

Deux témoignages personnels sur la politique de la ville

  •  Yves Dauge (ancien sénateur-maire de Chinon, Indre-et-Loire)
  • Jean Frébault (urbaniste, Conseil général des Ponts et Chaussées)

Table ronde : Présence et absence de la ville dans le débat public

  •  Jean-Pierre Duport (ancien préfet d’Île-de-France, de la Seine-Saint-Denis, ancien président de Réseau ferré de France)
  • Christian Devillers (architecte-urbaniste)

Conclusion

  •  Guy Burgel
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TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : Les 4000 de La Courneuve, Lyon-La Duchère, Les quartiers Nord de Marseille

Chères lectrices, chers lecteurs

Avant les vacances j’avais publié de larges extraits d’une étude réalisée en collaboration avec trois autres collègues, retraités de l’aménagement comme moi, dans le cadre et avec le soutien d’un partenariat rassemblant l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET, filiale opérationnelle de la CDC, et l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence.

Les conditions de réalisation de cette étude ne nous ont pas permis de la mener avec toute la rigueur souhaitée. Ayant dû adapter notre démarche en conséquence, l’étude que nous avons rendue fin 2016 après plusieurs avaries – accidents de santé, tracas d’intendance – relève de ce fait plus du témoignage que d’une véritable recherche.

D’une durée programmée initialement sur deux ans, notre travail, dont le projet avait été déposé à l’automne 2011, s’est en fait déroulé sur plus de cinq en raison de ces vicissitudes. Sans doute n’avons-nous pas su faire comprendre aux membres du partenariat le sens de notre travail tel que nous l’envisagions à un tournant de la politique de la ville impulsé par la loi de Programmation pour la Ville et la Cohésion Urbaine du 21 février 2014. Les conclusions arrivent un peu tard – encore que ce ne le soit jamais pour infléchir un mouvement, à défaut d’en renverser le sens – et ce serait à présent un autre chapitre à ouvrir, alors même qu’un nouveau gouvernement, formé sous une présidence élue dans l’enthousiasme des uns et le scepticisme des autres, reprend les choses en main sans que l’on connaisse encore bien ses orientations.

C’est pourquoi notre travail a aujourd’hui plus valeur de bilan que d’orientations, ces dernières suggérées par nos interlocuteurs alors que s’esquissaient le nouveau PNRU. Aussi, bien que datée, est-ce à la demande de plusieurs d’entre vous que nous nous sommes résolus malgré tout à publier en feuilleton la synthèse de cette étude dans son intégralité.

Etant bien conscients des imperfections et de l’inachèvement de cette enquête dont les données auraient, pour le moins, gagné à être actualisées, c’est à vous aujourd’hui de juger du résultat et d’en tirer, s’il y a lieu, des leçons pour la poursuite du renouvellement urbain.

Pour commencer nous vous livrons un résumé des conclusions auxquelles nous sommes parvenus et qui nous ont été soufflées par nos interlocuteurs, acteurs du développement urbain, habitants inclus, une centaine en tout, de provenance aussi diverse que les thèmes abordés l’exigeaient.

Si vous le souhaitez, vous pouvez, pour obtenir toutes informations complémentaires sur ce travail ou me communiquer vos observations, toujours bien venues, m’écrire à l’adresse e-mail suivante : serre-jean-francois@orange.fr.

Dans l’espoir de susciter votre intérêt, même et surtout critique, bonne lecture.

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Trois sites de renouvellement urbain emblématiques : les 4000 de La Courneuve, Lyon-La Duchère, les quartiers Nord de Marseille

X
Cité idéale, attribué à Fra Carnevale (XVe siècle) – Walters Art Museum de Baltimore
                                               Cliché Wikipedia

Résumé d’une étude-témoignage

Un constat est à l’origine de l’étude. Depuis plus de trente ans la politique de la ville alterne les politiques : immobilières, urbaines, sociales, en faveur de l’emploi…

Une interrogation vient se superposer à ce constat : comment se fait-il que le rapport de l’Observatoire National des Zones Urbains Sensibles (ONZUS) pour 2014 conclue à une accentuation des écarts entre les quartiers politique de la ville et les autres ? Constat non contredit par les rapports pour 2015 et 2016 de l’Observatoire National de la Politique de la Ville (ONPV) qui a succédé à l’ONZUS.

D’où l’hypothèse que cette situation pourrait être imputable à la difficulté des acteurs de la politique de la ville à articuler – pour nous en tenir aux quatre thèmes que nous avons choisi de placer sous le projecteur – les aspects urbains, sociaux, économiques et culturels ; difficulté recouvrant une impuissance à se donner une représentation intégrée de la ville et de ses quartiers dans leur environnement à la fois physique et humain ; l’alternance des politiques cherchant à compenser, bien en vain, ce déficit de vision globale, l’inconstance dans la stratégie se payant du prix de la pérennisation de politiques d’exception et temporaires basées sur des mesures de discriminations positives hésitant entre leur application aux territoires et aux gens.

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II – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : synthèse comparative

Chères lectrices, chers lecteurs

Si par la teneur alléchés du résumé de l’étude-témoignage du renouvellement urbain des 4000 de La Courneuve, de Lyon-La Duchère et des quartiers Nord de Marseille postée le 10 septembre dernier, ou plus sérieusement par intérêt affectif, intellectuel, professionnel, vous ne craignez pas de vous lancer dans la lecture de ce feuilleton, nous vous invitons, en préalable, à prendre aujourd’hui connaissance des motivations de ses auteurs (une équipe de cinq retraités prématurément amputée d’un de ses membres pour raison de santé) et de l’esprit – à défaut de méthode rigoureuse – qui ont présidé à la réalisation d’une aventure émaillée d’imprévus et de quelques contrariétés.

Sachant que la semaine prochaine, nous rentrerons de plain-pied dans notre sujet par l’inscription des sites étudiés dans leur contexte géographique et historique.

Bonne lecture

Les 4000 de La Courneuve : quartier de La Tour

 

Marseille : quartiers Nord – Secteur du Merlan
La Duchère : place Abbé Pierre

A la mémoire de Marcel Hénaff, qui a si bien su relier, avec autant de sobriété que de pénétration, dans son ouvrage, La ville qui vient (Editions de L’Herne, 2008), joyau de la littérature de l’urbanité, l’avenir pressenti des villes à leur fondement anthropologique, indissociable de leur fondation matérielle. La ville qui vient, source d’inspiration de ce qui fut au coeur de cette enquête.

SYNTHESE COMPARATIVE

« Il ne s’agit plus seulement de livrer des logements en plus grand nombre possible. Il s’agit de faire naître des quartiers nouveaux composés avec tous les équipements publics et les activités commerciales, artisanales ou industrielles nécessaires pour qu’ils aient eux-mêmes une vie collective propre tout en s’intégrant dans un ensemble urbain ou régional plus vaste.»  

Pierre Sudreau, ministre de la construction de 1958 à 1962

Selon une enquête conduite par Paul Clerc dans 53 grands ensembles d’agglomérations d’au moins 30 000 habitants en 1965, 88% des habitants d’immeubles collectifs se déclaraient satisfaits de leur logement… comparé à celui occupé précédemment.

« En quoi le passé, ses réussites comme ses erreurs, peut aider pour éclairer les actions à venir ? »  

Jacques Jullien, ancien directeur régional de la SCET

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III – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : des histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières (1. Les 4000 de La Courneuve)

Chères lectrices, chers lecteurs

Nous entamons aujourd’hui, après le préalable introductif publié la semaine dernière 17 septembre, l’analyse des sites enquêtés par un bref exposé historique permettant de remonter aux raisons d’une déshérence et à la gestation des remèdes qui seront appliqués en conséquence.

Jointe à l’étude de l’insertion des sites dans leur agglomération respective et à ses ratés, l’analyse, espérons-nous, permettra d’apporter les clefs indispensables à la compréhension des opérations de rénovation ou de renouvellement – selon les périodes – qui seront engagées dans des contextes politiques et économiques alternant interventions sur l’urbain, le social et l’économique sans guère d’esprit de suite.

Bonne lecture

 

A. Trois histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières : les 4000 de La Courneuve, Lyon-La Duchère, les quartiers Nord de Marseille

Partout on retrouve les mêmes ingrédients : un paysage de béton, des tours et des barres disposées orthogonalement, des dégradations dues à des défauts de préfabrication et à une construction hâtive, la fragmentation de l’espace indissociable de l’enclavement, des drames humains, et la pauvreté encore et toujours. Pourtant les gens changent plus vite que les pierres malgré quelques démolitions et reconstructions ça et là, mais la pauvreté et les difficultés de la vie, qui ne sont pas l’apanage des grands ensembles loin de là, elles, demeurent, diffuses. Pire, alors qu’on efface tant bien que mal les plaies de la pierre, les drames humains laissent une empreinte que la succession des générations peine à transformer en espoir faute d’entrevoir un avenir où se régénérer. Et le travail de mémoire engagé dans ces quartiers trop longtemps en déshérence, une fois décanté de ses scories, risque d’être vain s’il n’est pas susceptible de faire éclore les promesses du futur.

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IV – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières (2. La Duchère, les quartiers Nord de Marseille)

 Chères lectrices, chers lecteurs

Après avoir exposé l’histoire passionnée, sinon passionnelle, des 4000 de La Courneuve telle que l’ont vécue les acteurs du renouvellement urbain, nous poursuivons notre enquête avec celle de La Duchère à Lyon et celle des quartiers de Saint-Barthélemy et Malpassé à Marseille.

Nous vous précisons que cette enquête s’est déroulée entre 2013 et l’automne 2016. Nous avons consacré le premier trimestre de 2017 pour introduire quelques éléments d’actualisation et tenir compte des observations qui nous ont été faites par les témoins que nous avons interrogés sur un premier projet de rédaction.

C’est avec plaisir que nous accueillerons vos remarques éventuelles, tirées de votre propre  expérience et susceptibles d’enrichir ou réviser nos conclusions.

Bonne lecture.

b)   La Duchère : un site naturel d’exception artificialisé

La Duchère vue du parc du Vallon

L’histoire de La Duchère à Lyon (9e arrondissement) est plus classique : grand ensemble de 20 000 habitants et 5 300 logements, dont 80% de logements sociaux et 20% en copropriété. Le patrimoine  se répartit entre trois principaux organismes : l‘OPAC du Rhône avec 1 015 logements, l’OPAC du Grand Lyon avec 1 347 logements et une SEM, la Société Anonyme de Construction de la Ville de Lyon (SACVL) avec 1 235 logements. Conçu par  François-Régis Cottin, architecte en chef, et réalisé par la Société d’Equipement du Rhône et de Lyon (SERL) entre 1956 et 1963 pour faire face à la crise du logement sous le mandat de Louis Pradel, la Duchère est l’ainé des trois sites retenus puisque lancé avant même l’institution des ZUP en 1956 avec le statut de « zone d’habitat ».

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VI – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : des objectifs en partie partagés (2. La Duchère)

Chères lectrices, chers lecteurs

Après avoir exposé les objectifs poursuivis pour le renouvellement urbain des Quatre mille de La Courneuve, nous poursuivons avec celui de La Duchère à Lyon.

Nous rappelons à nos lectrices et lecteurs que nous avons publié le 10 septembre dernier un résumé de cette étude-témoignage réalisée avec le soutien de l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence ; laquelle sera développée, à un rythme hebdomadaire, dans l’ordre suivant :

A.  Trois histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières

B. La scène urbaine et ses acteurs : de la conception à la réalisation

C. La synthèse urbaine : de l’impensé de la société urbaine à l’énigme de son articulation

Conclusion et ouverture « sous le signe du lien »

Bonne lecture.

La Duchère – Place Abbé Pierre

b)       La Duchère : la réconciliation avec la nature et l’équilibre social

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VII – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : des objectifs en partie partagés (3. les quartiers Nord de Marseille)

Chères lectrices, chers lecteurs

Nous poursuivons cette semaine notre compte rendu d’enquête dont nous avons publié un résumé le 10 septembre dernier.

C’est parce que la politique urbaine des années 50-60 n’a pas su prendre en compte dans sa complexité la société urbaine qu’on lui a appliqué l’emplâtre de la politique de la ville à partir des années 80. C’est parce que la politique de la ville a échoué à résorber les écarts de développement, à réduire les inégalités économiques, à promouvoir une culture commune à même de neutraliser les extrémismes religieux qu’on s’est résolu à recourir à une politique de « peuplement » poursuivant un objectif d’équilibre sociodémographique territorial dont l’enjeu est, au minimum, d’éviter que la concentration dans l’espace des handicaps sociaux et situations de précarité ne constitue un facteur aggravant, ne favorise la délinquance ou ne dégénère en manifestations de violence.

A l’heure où la politique de la ville est, sinon remise en question, intégrée dans un nouveau ministère de la cohésion des territoires et par ce fait même menacée de dilution, le moment est venu de se pencher sur son bilan. Ce que nous avons tenté, très concrètement, à travers l’étude de ces trois sites emblématiques en posant comme hypothèse que la fracture urbaine doublée d’une fracture sociale dont souffre les grands ensembles pourrait bien refléter une fracture plus générale de civilisation dont ces grands ensembles ne seraient l’avant-garde. D’où l’urgence de conjurer les risques de propagation des fêlures du corps social qu’ils préfigureraient par la mobilisation des énergies mises en oeuvre dans une rénovation urbaine dont la pertinence est parfois mise en cause, mais non la nécessité. Le grand ensemble comme métaphore d’un entre-deux monde dont la diversité ouvre sur des potentialités ambivalentes qu’il importe de savoir regarder en face lucidement avant tout engagement, aussi gros de risques que d’espoirs !

Après avoir resitué dans leur environnement et l’histoire de leur développement nos trois sites, et exposé les objectifs de la rénovation des Quatre mille et de La Duchère, nous poursuivons en présentant ceux des quartiers Nord de Marseille à travers Saint-Barthélemy et Malpassé.

Bonne lecture.

X
Quartier du Canet (XIVe arrondissement)
Station Alexandre : ancienne gare de triage reconvertie après rénovation en centre d’affaires dans le cadre d’une ZFU

c.  Les quartiers Nord de Marseille : la recomposition urbaine et la paix sociale

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IX – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : les démarches adoptées (2. La Duchère)

Chères lectrices, chers lecteurs

En 1946, dans Bilan de l’histoire, René Grousset écrivait : « C’est une loi de l’Histoire qu’en de nombreux pays les provinces-frontières, les régions des Marches, sont souvent appelées à un rôle politique prépondérant. » Citation reproduite dans la préface de Robert Aron à la réédition de l’ouvrage. L’observation vaut pour ces marges que sont les banlieues dans les agglomérations et ces enclaves que sont les grands ensembles dans les banlieues ou en périphérie des centres-villes. Nous transposons la conclusion qu’en tire René Grousset en supprimant les termes relevant d’une analyse géopolitique pour mieux faire ressortir la pertinence de son application aux marges urbaines : « Leurs populations […], aguerries par une vie de lutte perpétuelle […], y acquièrent une supériorité […] qui finit par les imposer au reste de leurs compatriotes. »

La transposition est d’autant plus légitime qu’aujourd’hui les grands ensembles sont rattrapés par la croissance des agglomérations et qu’ils partagent avec les villes, dont « les murs » ne cessent de reculer, les handicaps et les atouts, les travers et les qualités, les misères et les espoirs… Comme si la ville et ses marges, avec ses enclaves, étaient appelées, pour le pire, à se contaminer et, pour le meilleur, à se féconder mutuellement, par-delà leurs limites, de plus en plus floues : « nouvelle frontière », creuset de toutes les initiatives, où se croisent les talents, par où transitent les innovateurs et porteurs de projets parmi les plus audacieux.

Les 4000 de La Courneuve, grand ensemble de la région parisienne, La Duchère, grand ensemble intra-muros, les quartiers Nord de Marseille, marquèterie de noyaux villageois, d’ensembles immobiliers, d’espaces verts et de terrains vagues : autant de configurations dans lesquelles une pensée binaire paresseuse tend à inscrire une opposition entre ville et banlieue, alors même que l’une et l’autre s’interpénètrent, parfois pour leur malheur, quand elles sont laissées à elles-mêmes, plus souvent pour leur bonheur, pourvu que leur développement conjoint soit accompagné à bon escient. Il y va de la cohésion de la société urbaine, irréversiblement confrontée à la diversité et à la mobilité de ses membres.

Après avoir, au chevet de nos trois sites, retracé, dans un premier temps, leur histoire et les objectifs de leur rénovation, puis exposé, dans notre précédent article, la démarche adoptée pour les Quatre mille de La Courneuve, nous poursuivons aujourd’hui avec La Duchère avant d’aborder la semaine prochaine les quartiers de Malpassé et Saint-Bathélemy au nord de Marseille.

Bonne lecture.

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b) La Duchère : Le primat du paysage urbain et la mixité en ligne de mire

Le paysage n’est autre chose que la présentation culturellement instituée de cette nature qui m’enveloppe.
Anne Cauquelin (L’invention du paysage)
x
Halle d’athlétisme Stéphane Diagana Cabinet d’architecture Chabanne & Partenaires
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