DERIVES TOTALITAIRES

Adam et Eve sous l’arbre de la connaissance Gravure sur bois de Jacob Rueff (1500-1558)
Source : Zazzle

Le retour de Mébaël

La guerre a commencé… La guerre des crimes et des insultes, la furie des regards…Elle est là, ouverte sur le monde… Il n’y a pas de fuite possible, pas de désaveu… La violence est mystérieuse, elle va de l’avant selon un plan que personne ne connaît… La guerre a levé son vent qui va tout détruire… La guerre, c’est la destruction de la pensée.

J.M.G Le Clézio – La guerre (1970) 

Rien n’est jamais irrémédiable, mais c’est comme si la pente sur laquelle glissent nos sociétés les enfonçait chaque jour un peu plus dans un bourbier innommable où la morale, l’art et la politique tendraient à se confondre. Confusionnisme qui s’étend désormais à la vie publique et à la vie privée, sachant bien que toute effraction dans cette dernière est facilitée par la propension des politiques à se mettre en scène en dehors de toute manifestation à caractère public.

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LE SERPENT DE MER DE LA QUESTION FONCIERE

Vue aérienne du nord de l’agglomération parisienne : Argenteuil et Bezons
Citizen59 / Flickr

Dans une lettre de mission du 4 avril 2019 à Jean-Luc Lagleize, député de Haute-Garonne, le Premier ministre faisait le constat suivant :

« Dans certaines zones tendues, la part du foncier dans les opérations de construction de logements atteint couramment la moitié du coût d’un projet. Cette situation n’est pas nouvelle. Il nous faut désormais approfondir davantage les facteurs de renchérissement des prix du foncier, qui sont aujourd’hui le principal frein à la production de logements.

C’est pourquoi, j’ai décidé de vous confier une mission ayant pour objet la maîtrise du coût du foncier dans les opérations de construction. »

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DES ALIENES ET DES VILLES

Minecraft (Pixabay)

Les urbanistes auront noté avec intérêt, du moins ceux qui sont sensibles à la dimension sociale de l’urbain, qu’à Sainte-Anne l’équipe médicale utilisait un logiciel de simulation de la ville pour aider les schizophrènes à sortir de leur enfermement psychologique : « Les premiers résultats montrent une amélioration de l’attention, de la sensation de bien être physique et de la qualité des interactions sociales », commente un psychiatre du service.

La ville contemporaine en libératrice des aliénés, jadis irrémédiablement enfermés dans l’hôpital général.

Aux urbanophobes de tirer les leçons de l’expérience, sans pour autant porter préjudice à l’écologie, dont la ville, d’abord réticente, porte avec un engouement croissant les habits neufs.

Ville d’autant plus désaliénante qu’elle est verte.

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Référence : Le Monde du 24 juin 2015, supplément « Science et Médecine ».

NOTRE-DAME, MYTHES ET REALITES

Image extraite de l’édition Hugues (1877) des oeuvres de Victor Hugo   Vue de la cathédrale vers 1825
(Flickr)

Ainsi, jusqu’à Gutenberg, l’architecture est l’écriture principale, l’écriture universelle. Ce livre granitique commencé par l’Orient, continué par l’antiquité grecque et romaine, le Moyen-Age en a écrit la dernière page.                                                                                                                                                                                          Victor Hugo – Notre-Dame de Paris

 

Paradoxes d’une torche vivante, bien que de bois, de pierre et de zinc, dans le ciel crépusculaire de Paris.

Les pierres jadis façonnées par la main de l’homme pour la construction de nos édifices avaient pour elles la longévité et l’avantage de lui survivre par-delà les générations. Aujourd’hui, l’homme aurait-il voulu prendre sa revanche en substituant à la pierre le béton, malaxé par les bétonneuses, voué prématurément à la destruction des bulldozers ? Au détriment de la mémoire, inscrite dans la pierre, dont la trace se perd désormais dans nos débauches de constructions toutes plus insignifiantes et précaires les unes que les autres.

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METAMORPHOSES DE LA « TRAHISON DES CLERCS »

Photo Olivier Ortelpa / Wikimedia Commons

Le tour de force des « gilets jaunes » n’aura pas été d’avoir dépouillé un président de sa superbe, d’avoir ébranlé un pouvoir insensible à la misère, ni même de lui avoir arraché des concessions sur le pouvoir d’achat, mais d’avoir poussé la dépréciation de la parole jusqu’à rendre certains de nos plus éminents intellectuels honteux de leur culture. Façon sans doute de retourner contre eux le mépris que d’autres, moins culpabilisés, plus décomplexés, sinon cyniques, leur vouent.

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METAMORPHOSES DE LA TRAHISON DES CLERCS (SUITE)

Science sociale, science pratique

Dangereuse distinction entre “théorique″ et “pratique” [...]. 
Ne pas vivre avec deux poids et deux mesures !... 
Ne pas séparer théorie et pratique! 
Nietzsche (Fragment posthume XIV)

Entre les intellectuels irresponsables qui flattent les « gilets jaunes » et les arrogants qui les méprisent, il y a place pour des intellectuels lucides, responsables et humbles. Je suis incapable de dire dans quelles proportions les trois catégories étaient représentées parmi la soixantaine reçue par le président de la République le 11 mars. Mais je pressens que la dernière catégorie était surreprésentée par rapport aux deux premières dont j’ai dénoncé les dérives dans mon dernier article publié dimanche. Ce serait dommage, car il aurait été du plus grand intérêt que des représentants des deux premières catégories se confrontent au président, vu que, faisant le buzz, ils sont plus médiatisés que les autres, plus discrets.

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L’ART DANS TOUS SES ETATS : peinture, poésie, musique…

Copernic, l’astronome par Jan Matejko (XIXe siècle)
Wikimedia Commons / PD-Art

« Comme l’univers échappe à l’intuition, tout de même il est transcendant à la logique. » (Paul Valéry – Au sujet d’Eurêka in Variété)

En ces temps de bruits et de fureurs qui chaque jour renforcent un peu plus le sentiment irrésistible de notre précarité, il est bon de rappeler avec Baudelaire que « la soif insatiable de tout ce qui est au-delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus évidente de notre immortalité. » (Notes nouvelles sur Edgar Poe)

Détour par l’art et la correspondance de ses formes avec les figures que la vie fait continûment défiler d’une existence à l’autre.


« Il en est ici comme de la première idée de Copernic : voyant qu’il ne pouvait venir à bout d’expliquer les mouvements du ciel en admettant que toute la multitude des étoiles tournait autour du spectateur, il chercha s’il n’y réussirait pas mieux en supposant que c’est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent immobiles. En métaphysique, on peut faire un essai du même genre au sujet de l’intuition des objets. »[1]

Et en art de même, si l’on en croit Oscar Wilde[2]. Après que Sénèque, dans le sillage d’Aristote, eut posé la nature comme pivot autour duquel l’art pouvait se déployer, Wilde aura, par un de ces renversements paradoxaux dont il est friand, conçu la vie en tant que sphère céleste, enveloppe constellée, reflétant les plis, apprêtés, que l’imagination de l’homme fait affleurer de la matière, répercutant les vibrations, subtiles, qu’il fait jaillir de l’éther :

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RETOUR SUR LA MARCHE REPUBLICAINE DES LIBERTES

« La guerre de Troie n’aura pas lieu »

Ceux qui avaient rêvé d’un rassemblement citoyen à l’instar de celui du 11 janvier 2015 en réaction à la tuerie de Charlie Hebdo auront quelque peu déchanté. La marche républicaine des libertés de dimanche dernier n’aura eu ni la même ampleur ni fait la preuve d’un aussi large consensus.

Quant à ceux qui n’attendaient qu’une occasion pour en découdre, ils en seront pour leurs frais : « la guerre de Troie n’aura pas lieu ». Séparés par un chantier opportunément ouvert place de la Bastille et contenus par les forces de l’ordre, foulards rouges et gilets jaunes, ces derniers perchés sur les marches de l’Opéra, haut lieu de la culture de l’élite, ont juste eu le temps de se regarder en chiens de faïence, non sans que quelques aboiements fusent de part et d’autre.

La marche républicaine des libertés a peut-être permis de rétablir un équilibre dangereusement rompu entre les jusqu’au-boutistes de la lutte à outrance et les partisans du dialogue – quelque 10 000 manifestants ce n’est tout de même pas rien (contre 4 000 gilets jaunes la veille) – mais il faut se rendre à l’évidence, ce relatif succès a son revers en ce qu’il confirme le face-à-face potentiellement explosif qui risque de se creuser entre deux France antagonistes, aussi hétéroclites l’une que l’autre dans leurs compositions socioprofessionnelles et leurs idéologies de référence. Restons sur nos gardes, malgré le déni d’Andromaque, Cassandre a persisté à la contredire et la suite des évènements lui donnera raison : « la guerre de Troie aura lieu » [1]. Soyons, donc, d’autant plus vigilants que les chevaux de Troie sont en place, quoiqu’en dise Emmanuel Todd, dont le ressentiment à l’égard de son milieu atteint des sommets.

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PAUL VIRILIO in memoriam

Extrait d’Archéologie du bunker
Thierry Ehrmann / Flickr

La mort présente pour les célébrités quelque peu passées de mode ce paradoxe d’être résurrection avant d’être inhumation : le défunt nous rappelle à son bon souvenir. Virilio mort, deux ans et demi après Claude Parent, son compagnon en exploration d’utopies, nous reviennent ses angoisses et obsessions, desquelles, par bunkers interposés, il sut faire émerger une espérance « oblique », que la critique ne saurait sous-estimer, tant  l’ « obliquité »,  théorisée et mise en pratique par son congénère architecte, facilite le passage d’un palier à l’autre, les transitions, aplanissant des dénivelés par trop abruptes et permettant de jouir de perspectives renouvelées.

http://urbainserre.blog.lemonde.fr/2014/09/03/xix-la-ville-int…-de-paul-virilio/