LES 4000 DE LA COURNEUVE : La promotion de la culture (3)

Chères lectrices, chers lecteurs,

Nous poursuivons aujourd’hui la relation de notre enquête sur ce que peut la culture pour le renouvellement urbain des quartiers en politique de la ville à travers l’exemple de La Courneuve, ville par ailleurs retenue pour l’implantation d’une des gares du Grand Paris Express conçues pour être autant de jalons culturels imaginés par un tandem constitué d’un architecte et d’un artiste. Sachant qu’écrire « ce que peut la culture » c’est conférer toute son importance à la création et à l’animation culturelles pour la vie des quartiers, mais c’est aussi en montrer les limites pour mettre l’accent sur les dimensions multiples qui font qu’une ville est ville.

Après avoir relaté l’action d’une association, puis d’un centre culturel, scène conventionnée, nous abordons aujourd’hui la question de l’appropriation des opérations de rénovation par les habitants à travers l’animation culturelle avec le concours d’une SEM d’aménagement. Ce, avant de chercher, à partir de la semaine prochaine, à tirer un bilan général de l’action culturelle, de ses promesses resituées dans leur contexte, celui de « quartiers » en marge mais appelés à s’ouvrir sur le Grand Paris.

L’enquête a été réalisée entre 2014 et 2016. Avec l’émergence d’un nouveau quartier autour de la gare du GPE au carrefour des Six-Routes, La Courneuve s’offre une nouvelle dimension urbaine dans laquelle la culture est appelée à prendre toute sa place conformément à la vocation de « Territoire de la culture et de la création » dévolue à Plaine Commune par le Contrat de Développement Territorial signé en janvier 2014.

Bonne lecture.

Au croisement des 4000 Sud et Nord et du centre-ville

III. Artistes en résidence, en avant-garde des opérations de rénovation urbaine et en appui à la démarche de coconstruction des projets

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LES 4000 DE LA COURNEUVE : La promotion de la culture (4)

Chères lectrices, chers lecteurs

Quel anachronisme de vouloir parler de culture alors même que les médias font de la violence leur « une » ! Comme si l’on pouvait répondre à la violence par la culture ; comme si l’art, quintessence de la culture, était susceptible d’apaiser des rapports sociaux excédés par les conditions d’existence que leur impose « le système » ! Peut-on à ce point être angélique ? Et pourtant…

Ce que peut la culture ? Spécifiquement pour le renouvellement urbain ? Rien, si elle n’est pas adossée à l’éducation et ancrée dans la matérialité de la Cité. C’est la leçon de l’expérience  des 4000 de La Courneuve. Mais, même ainsi, elle ne peut qu’autant qu’elle s’inscrit dans une économie à même de satisfaire les besoins vitaux de la société urbaine prise dans ses affects, qui la motivent et la mobilisent à la fois, pour reprendre un vocabulaire spinozien cher à Frédéric Lordon. Encore ne faut-il pas s’illusionner jusqu’à confondre son expression la plus radicale – l’art – avec la vie, et maintenir la frontière, cet entre-deux instable où la création puise les formes qui enchantent le monde.

Ce n’est évidemment pas sans conditions, qui relèvent de la politique dans son sens le plus noble, celui qui émerge de la citoyenneté, entendu comme « citadinité » consciente de sa puissance d’expression, indissociable de l’action.

Mais, inversement que peut l’aménagement, l’urbanisme, l’architecture et le traitement paysager des espaces sans la culture et l’art ? Un rapetassage de surface tout au plus. 

Bonne lecture.

Les 4000 Sud : « Sous réserve des subventions de l’Etat »

IV. La culture, composante du renouvellement urbain à part entière

Ainsi va la vie sur les chantiers du renouvellement urbain de La Courneuve, aux 4000 comme ailleurs dans la ville. L’art y pénètre la vie, la vie s’y fond dans l’art. D’un quartier autrefois en déshérence, d’une friche à l’abandon mais riche de la mémoire qu’elle recèle, on fait une scène sur laquelle on joue et rejoue la comédie de l’existence, exorcisant le pire pour que le meilleur puisse advenir. L’art n’est plus séparé de la vie, la scène est ouverte, les comédiens en sortent pour se mêler au public et lui céder la place sur cette même scène, les sculptures tombent de leur socle, les tableaux de leur cadre, à la petite musique de nuit des salles de concert succède la musique de rue, martelée, des rappeurs. Les « Kids » Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah – ce dernier habitant des Quatre mille – auteurs de Quand il a fallu partir, docu. sur l’implosion de la barre Balzac, l’ont crié du coeur dans leur roman, Burn out, tendre et lucide à la fois, écrit à quatre mains en souvenir de ce chômeur de 41 ans qui s’est immolé, un beau jour de mars 2013, devant Pôle Emploi à Nantes : « La France a su créer ses propres ombres. Des gars qui deviennent fidèles aux forces obscures, parce qu’on n’a pas su les emmener vers la lumière. Vers la beauté. Parce qu’on n’a pas su les emmener vers la vie, alors ils sont allés vers la mort. »[1]

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LES 4000 DE LA COURNEUVE : La promotion de la culture (5)

Chères lectrices chers lecteurs

Dernier volet de notre enquête sur l’espace culturel des 4000 de La Courneuve. Conclure serait d’autant plus prétentieux que la notion de culture étant élastique, on ne saurait donner une réponse univoque à ce qu’elle peut. Elle est cet entre-deux – entre la matière de la ville et ses habitants – qui diffuse dans le corps social après l’avoir infusé. Bien commun, elle ne saurait être mise au service de quelque cause que ce soit sans se perdre. Son autonomie par rapport aux pouvoirs publics garantit la force de conviction de ses expressions qui, dans leur diversité, font, autant sinon plus, appel aux émotions qu’à la raison. 

Autant de réflexions à chaud, d’un point de vue d’aménageur, bétonneur ou verdisseur c’est selon (le point de vue – qui n’est pas un surplomb – est fondamental). Il y aurait beaucoup à dire aujourd’hui, sur les leçons alors tirées de cette enquête réalisée entre 2014 et 2016. Nous les avons restituées telles quelles sans rien retrancher, conscient, avec le recul, de leur décalage par rapport à ce que l’actualité nous livre en pâture au travers du filtre des médias, mais aussi de la permanence des problématiques soulevées. C’est que, derrière le métissage des cultures, conséquence de la fonction de « sas » de « quartiers » soumis à des mouvements croisés de population, émerge, malgré tout, sur le terrain, un fond culturel commun que les institutions, associations et artistes de rue contribuent à enrichir et cimenter.

Aussi bien, la Culture n’a-t-elle pas à être subordonnée à l’action sociale comme peut l’être le socio-culturel, sans pour autant que la fonction de ce dernier champ d’intervention – nécessaire médiation – doive être dévalorisée. S’agissant de la Culture, à l’inverse du socio-culturel, c’est à la société urbaine de se mettre à son service pour en promouvoir la fonction intégratrice, réfractée dans sa diversité. Et ce, parce que la Culture, de par son statut, transcende les relations sociales.      

Bonne lecture.

La Courneuve – Les 4000 Nord Maison pour Tous Cesaria Evora

La culture comme « bien commun »

Kamel Daoud, écrivain et journaliste, auteur de Meursault, contre-enquête, en dénonçant la misère sexuelle dont nombre de ressortissants de pays musulmans étaient victimes, a relancé le débat sur l’interprétation culturaliste ou sociologique, pour ne pas dire économique, des faits sociaux. Travers d’une pensée binaire incapable de dépasser ses contradictions : la culture comme facteur explicatif face à l’économie et à la sociologie, alliées pour les besoins de la cause – une fois n’est pas coutume. Pourtant, la violence djihadiste ne saurait pas plus être réduite à un phénomène religieux que culturel ; il y a des facteurs sociaux et, au-delà, économiques qui influent sur les comportements comme pour ce qui concerne la délinquance ou la toxicomanie. Mais ce n’est pas pour autant que la culture dominante, qui imprègne toute société et, plus ou moins consciemment, marque les individus, doit être exonérée de toutes responsabilités. Si la situation économique et sociale n’excuse pas des comportements propres à certaines cultures, c’est que la culture véhicule des valeurs qui peuvent selon les cas favoriser ou, à l’inverse, freiner des évolutions, voire les contrarier. « Aujourd’hui, nous lance à la volée une animatrice, habitante des 4000, à la sortie d’un centre de loisirs, on fait trop dans le social, on permet tout – le halal, le kasher… – et on excuse tout ».

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