VI – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : des objectifs en partie partagés (2. La Duchère)

Chères lectrices, chers lecteurs

Après avoir exposé les objectifs poursuivis pour le renouvellement urbain des Quatre mille de La Courneuve, nous poursuivons avec celui de La Duchère à Lyon.

Nous rappelons à nos lectrices et lecteurs que nous avons publié le 10 septembre dernier un résumé de cette étude-témoignage réalisée avec le soutien de l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence ; laquelle sera développée, à un rythme hebdomadaire, dans l’ordre suivant :

A.  Trois histoires urbaines parallèles et néanmoins singulières

B. La scène urbaine et ses acteurs : de la conception à la réalisation

C. La synthèse urbaine : de l’impensé de la société urbaine à l’énigme de son articulation

Conclusion et ouverture « sous le signe du lien »

Bonne lecture.

La Duchère – Place Abbé Pierre

b)       La Duchère : la réconciliation avec la nature et l’équilibre social

C’est à La Duchère que les documents d’urbanisme, contrats de ville et de rénovation urbaine affichent avec le plus de conviction des objectifs – chiffrés de surcroit, à la différence des deux autre sites – de mixité sociale, qui viennent redoubler les objectifs de mixité fonctionnelle atteints grâce à la dispersion dans le tissu urbain des commerces et services auparavant concentrés dans des centres commerciaux de proximité. C’est aussi à La Duchère – si l’on en croit les représentantes du Groupe Territorial Interquartier (GTI) rencontrées – que les habitants manifesteraient le plus d’attachement à la diversité sociale.

« Nous allons vivre à nouveau le temps des villes […] »[1], déclarait Gérard Collomb pour situer l’action de son mandat 2001-2007 dans un contexte urbain de plus en plus soumis à la compétition internationale.

D’emblée, le contrat de ville 2015-2012 de la métropole lyonnaise affiche la couleur : « Ce nouveau Contrat de ville s’appuie sur un constat partagé : pour produire tous leurs effets, les avancées réalisées ces dernières années doivent impérativement être prolongées par une articulation accrue entre l’urbain et l’humain. » (C’est le contrat lui-même qui souligne)

Le resserrement des quartiers prioritaires de la métropole, comme à Marseille, a conduit à en identifier 37 dans l’agglomération, dont La Duchère, représentant 12% de la population totale.

S’agissant de la rénovation de ce dernier quartier, outre son désenclavement par la création de deux axes nord-sud et est-ouest, ainsi que la constitution d’une centralité, la mixité est au cœur des préoccupations des politiques et de la maîtrise d’ouvrage.

Le PLH du Grand Lyon de 2007 actualisé en 2011, auquel le contrat de ville de la Métropole se réfère expressément,  a posé le principe général de reconstitution de l’offre de logements à partir :

  • d’une reconstruction intégrale sur site dans les communes n’atteignant pas le seuil d’au moins 20% de logements sociaux, ce qui est le cas pour la ville de Lyon ;
  • d’une reconstruction partielle à hauteur de 75% sur site dans les communes dont le parc social, bien qu’atteignant plus de 20% ne dépasse pas 40% ;
  • d’une reconstruction de moitié seulement sur site dans les communes dépassant les 40% de logements sociaux.

Dans les sites de renouvellement urbain les objectifs sont fixés à « environ 40% de l’ensemble de la reconstitution à l’échelle de l’agglomération. »

Sur la période 2004-2008, les logements sociaux à reconstruire se répartissaient entre 30% dans le 9e arrondissement et 70% sur le reste du territoire communal.

Le Contrat Urbain de Cohésion sociale 2007-2009 (CUCS) de l’agglomération lyonnaise s’était fixé comme objectif « une diversification de l’offre d’habitat dans les territoires prioritaires » qui « facilite les évolutions résidentielles souhaitées par une partie des ménages et permet d’accueillir aussi pour partie de nouvelles populations comme cela se fait dans le reste de la ville ». Le Comité d’Evaluation et de Suivi (CES) de l’ANRU de janvier 2010 notait d’ailleurs qu’« une partie de l’originalité de l’expérience duchéroise tient aux contraintes imposées aux promoteurs, à la demande du politique, par l’aménageur de la ZAC, pour produire une offre diversifiée de logements effectivement accessibles par les ménages du site ».

Plus peut-être qu’à La Courneuve, et même à Marseille, on est à La Duchère en présence d’une sorte de partenariat public-privé, qui ne dit pas son nom, de par les modalités d’implication de la promotion privée recherchée en vue de la réalisation d’un projet de renouvellement urbain indissociable d’une volonté de rééquilibrage démographique et de diversification sociale. En cela on peut dire que la politique du Grand Lyon en matière de mixité a anticipé, dans l’esprit, les mesures prescrites par la réunion interministérielle du 6 mars 2015 suite à la tuerie de Charlie Hebdo et reprises dans le projet de loi Egalité et Citoyenneté.

Le Projet de Territoire Lyon Duchère 2016-2020 entérine les principes de diversification posés par le CUCS d’agglomération 2007-2009 et repris par le Contrat de Ville de la Métropole pour la période 2015-2020. L’objectif affiché étant de ramener le taux de logements sociaux initialement de 80% pour le grand ensemble à 55% au terme du PRU en 2018-19, sachant que le taux effectif était de 58% fin 2015.

Comme à Marseille, le contrat de ville tire les conséquences d’une année 2015 meurtrière mais va plus loin « afin de favoriser le vivre ensemble et de promouvoir le principe de laïcité, qui nous protège. »

Comme à Marseille aussi, le contrat de ville ne s’en tient pas à des objectifs localisés, mais les inscrits dans le cadre de la nouvelle métropole entrée en vigueur au 1er janvier 2015, avec un an d’avance, donc, par rapport aux métropoles provençale et francilienne : « L’un des grands objectifs de cette innovation institutionnelle est précisément de mettre la dynamique économique et urbaine du territoire au service de l’ensemble des concitoyens et de renforcer ainsi la solidarité et la cohésion sociale dans l’agglomération. Par exemple, en réunissant le développement économique et l’insertion, la politique de l’habitat et du développement urbain et l’ensemble des dispositifs d’accompagnement social […] ». Et pour ce faire, c’est à un renouvellement de « l’organisation du service public » qu’entend s’atteler la métropole « pour répondre de manière plus cohérente et efficace aux besoins de nos concitoyens et en particulier à ceux des plus fragiles. »

BJ, JJ, BP, JFS – 2017
Réalisé avec le soutien de l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET et l’IUAR d’Aix-en Provence

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[1] Cité par Jean-Yves Authier, Yves Grafmeyer, Isabelle Mallon et Marie Vogel dans Sociologie de Lyon (2010). La citation intégrale laisse rêveur : « Nous allons vivre à nouveau le temps des villes, une époque semblable à celle qu’a connue l’Italie du 16ème siècle quand les grandes villes italiennes devinrent des lieux d’accumulation de richesse économique, de richesse artistique et culturelle, de richesse intellectuelle et produisirent un humanisme qui a éclairé toute notre culture occidentale au cours des derniers siècles. Nous sommes à l’aube d’une même période. »

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A suivre : c) Les quartiers Nord de Marseille : la recomposition urbaine et la paix sociale

Pour m’écrire : serre-jean-francois@orange.fr

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