VIII – TROIS SITES EMBLEMATIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN : les démarches adoptées (1. les 4000 de La Courneuve)

Chères lectrices, chers lecteurs

Si les grands ensembles peuvent être considérés comme des condensés de ville ce n’est pas sans que leurs traits n’en accusent les failles, physiques autant que sociales, et, partant, que les remèdes qui leur sont appliquées soient incomparablement plus novateurs. En intégrant le grand ensemble dans son environnement, c’est la ville que l’on transforme, d’où émerge la société urbaine de demain.

D’où l’intérêt à l’heure où la politique de la ville s’interroge sur son devenir de chercher à tirer les leçons des projets de renouvellement urbain en cours sur des sites significatifs du fait des contrastes qu’ils présentent et de la variété des solutions qui sont expérimentées. 

Après avoir tracé une cartographie et un historique des Quatre miille de La Courneuve, de La Duchère à Lyon et de deux quartiers de Marseille : Malpassé et Saint-Barthélemy ; après avoir embrayé  sur les objectifs que se sont fixés les acteurs du renouvellement urbain avec, à des degrés variables, la participation des habitants, nous poursuivons aujourd’hui avec l’exposition des démarches de rénovation engagées.  

Bonne lecture.

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4. Des démarches très politiques, plus ou moins intégrées

Des principes affichés dans les documents de planification urbaine et de programmation de l’habitat ou des engagements des contrats de ville à la mise en œuvre, il y a évidemment loin.

Pour essayer d’y voir clair, tout en restant conscient du caractère incomplet de nos investigations, nous proposons la grille d’analyse suivante destinée à récapituler par grands objectifs les moyens déployés sur le terrain :

  • Intégration urbaine : continuité du tissu urbain, sans préjudice des coupures vertes; voies de communication ; transports, en commun notamment ; mixité sociale.
  • Diversité de l’habitat : renouvellement de la population ; promotion sociale ; mobilité favorisant les parcours résidentiels ; carte scolaire.
  • Développement économique : création d’activités ; accès aux zones d’emploi ; formation ; insertion par l’économique.
  • Développement culturel : création d’équipements et d’évènements culturels ; accès aux équipements du centre-ville ; enseignements artistiques ; activités parascolaires.

Sur la base des données recueillies au cours de l’enquête, et en nous limitant aux points forts, on peut tirer les éléments de synthèse suivants.

a) Les Quatre-mille de La Courneuve : la société urbaine avant l’urbanisme

Les 4000 Sud : Les Clos

L’intégration urbaine de La Courneuve est bien assurée par le réseau des voies de communications et de transport en commun, multimodal, qui dessert la commune. Avec toutefois l’inconvénient des coupures urbaines qui en résulte. Reste à parfaire l’intégration des Quatre-mille, déjà bien engagée avec l’ouverture sur la gare du RER B et sur le centre ville. Mais les secteurs Sud et Nord restent séparés par le carrefour des Six routes, la jonction dépendant de la réalisation de la gare du Grand Paris Express et des aménagements liés.

Pour le maire de La Courneuve, les démolitions sont un pis-aller, il ne s’y résout que pour des raisons sociales, lorsque la dégradation des immeubles l’exige ou que la composition du peuplement, les conditions de cohabitation rendent le vivre-ensemble difficile, voire insoutenable, parce qu’accompagnées de maux sociaux collatéraux comme la délinquance ou la drogue. L’urbanisme ne saurait constituer un alibi pour démolir, l’enclavement a des causes sociales avant que d’être urbaines. D’où ses réticences à démolir un immeuble comme Maurice de Fontenay (362 logements), dont le coût de réhabilitation l’a finalement fait fléchir. A quoi il faut ajouter les pressions exercées par l’ANRU. La situation des Quatre-mille est telle que c’est à terme 1 902 logements qui seront détruits sur les 4 208 que comprenait le grand ensemble, soit 45%.

La promotion sociale de la population passe avant la mixité sociale, l’objectif étant d’aider dans toute la mesure des moyens limités d’une collectivité ayant subi de plein fouet la désindustrialisation les personnes en difficulté, d’accompagner les plus fragiles confrontés aux mutations urbaines et de favoriser les parcours résidentiels des Courneuviens tout en accueillant les nouveaux arrivants. Pour ce faire, la ville de La Courneuve a repris la mise en œuvre de la politique de la ville dont la compétence a été transférée à Plaine Commune. Au prix de rompre la cohérence avec la mise en œuvre de la rénovation urbaine. Les actions de promotion et d’accompagnement social de la ville peuvent s’appuyer sur un réseau associatif riche (120 associations sur la commune). La politique en la matière est dédoublée en une aide au fonctionnement des associations présentes sur la ville et l’attribution de subventions par appel à projets.

Dans les faits, on a vu que la mixité de l’habitat était (encore ?) limitée, malgré des expériences intéressantes de mixité à l’intérieur des îlots urbains reconstitués dans le secteur dit « Les Clos ». Selon nos calculs, provisoires, sur le total des constructions neuves, au nord et au sud, les logements sociaux représentent 68%, mais en prenant en compte les logements sociaux réhabilités le pourcentage se monte à 87%. De meilleurs résultats en la matière dépendront, notamment, des engagements de l’AFL.

En matière économique, la préoccupation première est de freiner la désindustrialisation pour maintenir l’emploi, mais aussi de créer de l’activité pour compenser les pertes subies. Outre la Zone Franche Urbaine (ZFU), dont le bilan est mitigé, la sanctuarisation de zones économiques comme Mermoz au nord-est de la commune, sujet d’un débat avec l’administration qui voudrait y construire 8 000 logements dans le cadre d’une Opération d’Intérêt National (OIN), entre dans cet objectif. Les efforts consentis dans les domaines de la formation, avec l’antenne de l’Ecole de la deuxième chance, de l’accès à l’emploi et de l’insertion avec l’Espace Maison de l’Emploi, et de l’aide à la création d’activité, avec la pépinière d’entreprises, viennent en soutien de cette politique. Toutefois en ce qui concerne cette dernière, le problème se pose de la rotation des entreprises, qui trouvent difficilement des locaux où se réinstaller définitivement après que leur activité soit arrivée à maturation. L’articulation avec le social se fait par l’intermédiaire de structures ad hoc du type régie de quartier, dont celle de La Courneuve est à l’étude, et Ecole de la deuxième chance. En 2015, ce sont 123 entreprises qui ont signé la Charte Entreprise-Territoire au niveau de Plaine Commune pour favoriser les synergies entre développement économique, emploi et insertion professionnelle et sociale, en lien avec l’université, l’Education nationale et les organismes de formation.

Si le bilan en termes d’activité économique et d’emplois est mitigé c’est principalement en raison des discordances constatées entre l’offre et la demande : seulement 20% des habitants du territoire Plaine Commune ont bénéficié des récentes créations et implantations d’entreprises. En cause : le décalage entre les besoins de ces entreprises et le niveau moyen de formation et de qualification des habitants. Des trois sites d’étude, c’est La Courneuve qui est le mieux inséré dans son bassin d’emploi avec un bon réseau de transports en commun desservant les zones d’emploi. Mais cela ne suffit pas à résorber un chômage plus structurel que conjoncturel malgré les progrès accomplis sur le long terme, en grande partie annulés par la crise de 2008. Malgré, aussi, un taux non négligeable de créations ou transferts d’établissements dans la ZFU qui couvre la quasi-totalité de la commune. D’où l’intérêt de faire toujours plus porté l’effort conjointement sur les emplois de proximité traditionnels – de services aux personnes comme aux entreprises –, sur la formation et la qualification pour répondre aux besoins des nouvelles entreprises et, enfin, sur les facilités d’accès aux opportunités offertes par le bassin d’emplois (transports et communications).

La ville est très active dans le domaine culturel. Dans ses voeux 2015 à ses administrés, le maire avait cité la culture, avec le combat contre les discriminations, comme une de ses priorités. Pour son développement au bénéfice de la population, il peut s’appuyer, outre l’initiative privée originale du Moulin Fayvon, sur la scène nationale Houdremont à laquelle est adossée le Centre du jonglage, sur le Conservatoire à rayonnement régional d’Aubervilliers-La Courneuve, le cinéma public d’art et d’essai l’Etoile, un centre dramatique et les médiathèques Aimé-Césaire au centre-ville et John-Lennon dans les 4000 Sud. La culture est, d’autre part, mise à contribution pour accompagner les habitants confrontés aux bouleversements des opérations de rénovation et aider à l’appropriation des réalisations, équipements ou espaces publics.

BJ, JJ, BP, JFS – Juillet 2017
Réalisé avec le soutien de l’Institut CDC pour la Recherche, la SCET, l’IUAR d’Aix-en-Provence

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A suivre :

b) La Duchère : le primat du paysage urbain et la mixité en ligne de mire

c) Les quartiers Nord de Marseille : le défi de l’enclavement et des infrastructures

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Pour m’écrire : serre-jean-francois@orange.fr

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